Il était une fois… deux fois, plusieurs fois même, un évènement invisible de tous se produisait dans la chambre de Gaspard. Gaspard était un jeune homme tétraplégique et qui ne parlait pas. Il était fin et musclé, et son visage était doux, serein.
Il souriait au moindre présence d’un soignant ou d’un éducateur qui faisait de l’humour.
Chaque soir, quand il fut couché sur le ventre, sans drap selon ses habitudes, il écoutait au loin le couloir s’échapper les pas de la personne qui l’a mise au lit. Les lumières s’éteignaient à part une veilleuse rouge, signe d’une présence urgente si besoin. Il respirait tout doucement, paisible. Il fit un grand sourire, heureux du tour qu’il joue au monde.
Il ferma ses yeux, puis se redressa grâce à ses bras. Il s’assit et fit des abdos puis des étirements. Il prit la télécommande sur la table de nuit et alluma la télévision. Sans le son pour ne pas éveiller les soupçons.
Il savait que le veilleur ne passerait que dans 45 minutes lors de son tour.
Mais ce soir, il allait vivre un moment le plus magique qu’il soit. Beaucoup plus que les autres soirs.
Assez suffisant pour s’échapper dans son univers. Il s’envola vers la télévision puis fut aspiré.
Il atterrit au milieu d’une arène immense, plus grand que le Colisée, illuminée par des centaines de projecteurs.
Les gradins étaient remplis de gens de tout handicap.
Des sourds dansaiet au son de la musique.
Des aveugles envoyaient des boules de peinture au milieu de l’arêne.
Des paraplégiques qui fit la hola des milliers de fois.
Toute différence n’était pas un problème. Tout le monde fit la fête.
Gaspard, lui, c’était le chef d’orchestre de tout ce monde pour ce soir.
Au dessus de lui, un énorme écran lui indiquait le temps qui lui restait.
Mais le temps était infini pour lui. Chaque seconde durait une heure.
Il allait pouvoir en profiter au maximum et ce soir, c’était son heure de gloire.
Il avait son moment pour mettre sa passion à fond.
Des voix s’élèverent pendant qu’il lèvait sa main gauche.
Puis des tambours, des trompettes.
Une splendide harmonie remplit l’arêne et fit vibrer le sol.
Gaspard avait les larmes aux yeux. De joie. De jubilation.
Les minutes s’écoulaient délicieusement.
Puis vint le temps de partir.
Il salua, remercia en envoyant des baisers.
Silence. Tourbillon.
Il revint au lit, sur le ventre, les yeux fermés, le sourire aux lèvres.
Une porte s’ouvrit.
Le veilleur regardait discrètement et s’étonna toujours de voir Gaspard endormi, avec un visage lumineux.
Gaspard goûtait chaque nuit pour mieux vivre ses journées dans son fauteuil électrique.
FIN
