EclOSiONS

Je ne sais pas, j’hésite.
Je ne suis qu’adolescent.
Est-ce que je mérite de grandir ?
De devenir adulte et responsable ?
Tous ces regards qui me déshabillent
Quand je tente de courir plus vite que le vent
Quand je tente de sauter plus haut que la lune
Quand je tente de sculpter l’eau des abysses
Quand je tente de chanter comme les sirènes d’Ulysse.
J’aimerai ignorer ces regards qui me jugent,
Qui me critiquent, qui veulent me dire ce que je dois faire.
Dans ce qui est raisonnable, réaliste.
Comment ignorer le regard de mes parents
Qui me transperce le cœur,
A la fois bienveillant et insistant.
Je regarde mon corps.
Avec dégoût souvent.
Et pourtant, grâce à lui
Je veux réaliser l’impossible.
Gravir les sommets,
Nager à contre-courant,
Peindre sur des rochers inaccessibles.
Courir dans le désert d’Atacama.
Il me faut regarder avec bienveillance.
Changer l’ampoule qui m’éclaire de l’intérieur.
Accueillir ce que je suis vraiment.
J’ai toute la vie pour l’apprendre, je sais.
Avec mes fragilités, mon handicap invisible.
Mais c’est maintenant, avec des petits pas.
Je ferai tout en secret.
Et quand je serai prêt,
Fier de ce que je suis
Alors je leur montrerai
Ce dont je suis capable.
Je resterai sourd aux railleries.
Je m’appuierai sur des soutiens indéfectibles
d’amis sur qui je peux compter.
J’aimerai n’avoir aucun regret
Et ne plus hésiter
à aller marcher au-delà des regards.
Et si je tombe ?
Je me relèverai.
J’apprendrai par mes expériences.
Je ne veux pas vivre dans la théorie.
Je ne me laisserai pas infantiliser
Car je grandirai, je me forgerai
pour approfondir mes valeurs les plus profondes,
Que je pense le juste possible :
La sincérité, l’amour, la solidarité, la créativité.
Oui, je suis jeune et je ne demande qu’à grandir,
Qu’à m’envoler avec les outils que je pourrai avoir à disposition.
De l’air pour respirer avec ivresse.
De la terre pour façonner avec passion.
Du feu pour embraser mes projets avec folie.
De l’eau pour arroser mes graines d’espérances.
Je serai aveugle aux regards méprisants, jaloux.
Enfin, j’essaierai d’être moins blessé possible.
A 40 ans, je voudrais être fier ce que je serai devenu.
Et j’aurai encore pleins d’années pour semer, batir et accueillir.
Je vous partagerai des mots pour délivrer mes maux
Et vous exprimerai mon bonheur de vivre envers et contre tous.

Faucon crécelle en plein vol

Rêve d’un éducateur

Franck se pose sur un banc du jardin du foyer.

Il voit les jeunes jouer sur le terrain.

Soudain, Tim fait tomber Déborah.

Pensant qu’ils allaient s’insulter, il se lève.

Mais curieusement, Tim s’excuse et Déborah lui fait un grand sourire.

Etonnement de Franck.

C’est l’heure de mettre la table pour le repas.

Il se dirige vers la salle à manger et constate avec surprise

Que Théo et Célia ont accompli leur service.

Le nec plus ultra, il découvre des petits bouquets de fleurs sur chaque table.

Franck respire joyeusement, drôlement bien.

Il n’a pas envie de se méfier. A quoi ça rimerait ?

Il entend de la musique au salon. Il va voir

Il aperçoit danser les jeunes surtout deux qui ne s’entendaient pas du tout.

Mais là, c’est autre chose. L’éducateur se demande s’il ne s’est pas trompé de groupe.

Est-ce que ce sont bien les jeunes qu’il accompagne et doit parfois gérer des conflits assez musclés ?

Soudain, la musique s’arrête. La plus jeune, Lili, déclame un slam.

Lili, celle qui bégayait, dit tout un trait, sans accrocher des mots, en prenant des temps de pause là où il faut.

Franck est émerveillé. Applaudissement et la musique repart.

Il ferme les yeux et un sourire rayonne en son être.

Il adore son métier.

Il ouvre ses yeux et se retrouve sur le banc du jardin.

Il aperçoit Tim faire chuter Déborah.

Franck sourit.

Il ne se passe rien. Déborah ne se met pas en colère.

Après tout, son rêve peut se réaliser.

Il a envie de changer de regard sur la suite.

Un regard sans méfiance sur comment les jeunes vont réagir.

Se projeter de manière positive sur ce qui va se passer.

Un regard de confiance que les jeunes peuvent le percevoir.

On ne sait jamais, n’est-ce pas ?

Franck se lève pour aller à la salle à manger.

La table est mise. Très grand satisfaction.

Il remercie Théo et Célia.

Cette dernière sourit et revient avec des serviettes de couleurs

Pour les plier délicatement sur chaque assiette.

Comme quoi, la surprise que chaque jeune peut nous réserver, c’est chaque instant.

Sachons toujours porter un regard positif et de ne rien juger sur ce qui va se passer par la suite.

Semons, semons avec nos valeurs, notre bienveillance et les fruits viendront.

Le clash de Chloé

Chloé a cassé la console de jeu du foyer.

Par colère envers les gars qui l’embêtent.

Chloé a balancé tous les livres du salon par terre

A cause de ses copines qui lui cachent son journal intime.

Chloé est furieuse et se venge en menant le groupe vers le chaos.

Les éducateurs ont eu du mal à canaliser l’ado.

Chloé est une grande ado, avec une force énorme.

Elle avait contenue toute sa colère et elle explose.

La tornade passe dans le bureau des éducs et mets tout par terre.

Marie, une des éducs, a essayé de la contrôler. En vain.

Et là, Chloé se précipite dans le jardin vers Karima, sa référente qui l’avait appelé.

Bouillonnante, elle se rue vers l’adulte et la plaque.

Allongé à côté de l’éduc, elle éclate en sanglots.

Des grosses larmes. Elle tombe dans les bras de Karima.

Pleurs. Silence. Les jeunes qui en ont après Chloé sont contenus par l’équipe.

L’ado lance des mots sur ses maux. Karima écoute tout simplement.

 

Sans jugement sur ce qui vient de se passer.

Le temps des réparations viendra plus tard.

C’est le temps de l’écoute du mal-être.

C’est le temps de l’attention, de la confiance qui se renoue dans le dialogue.

 

Les autres jeunes ont fait tomber leurs colères.

Un éduc leur a fait passer un message pour ne pas condamner Chloé, pour ne pas la juger :

«  Que celui ou celle qui ne s’est jamais mis en colère lui lance cette balle ».

Aucun jeune n’a bougé.
Bien sûr que Chloé a commis des fautes mais ce n’est pas une raison pour l’enfoncer plus.

Un temps après, ils se sont réunis dans le salon après avoir rangé les dégâts causés par Chloé.

Ils ont discuté, en faisant en sorte que le climat soit apaisé, que chacun puisse parler et être entendu.

Demande de pardon de Chloé.

 

Le pardon n’est pas une démarche où l’on demande à l’autre d’oublier, de faire comme si rien ne s’était passé. C’est plutôt de choisir d’avancer avec ce que nous sommes malgré nos actes, et de croire en chacun de nous que nous pouvons évoluer, progresser.

 

Les jeunes sont surpris. Les éducs sourient. Ces derniers savent bien que cela se reproduira mais veulent croire que tout est possible en chacun d’eux. N’est-ce pas le sens du métier ? Relever et accompagner l’autre dans sa dignité ?

 

Que se passe-t-il par la suite ? A vous de l’imaginer….

J’ai été diagnostiqué!

Ce lundi, je suis parti à l’hôpital pour faire une batterie de test. Je n’avais pas très bien compris pourquoi. Une batterie, c’est ce que ma mère m’avait dit. J’ai dû louper le collège et rencontrer plusieurs médecins et d’autres personnes. Cela a duré une semaine. Pour mon bien, m’avait-on dit !

Et maintenant ? J’ai rencontré une psychologue, un neuropsychiatre, une orthophoniste, une psychomotricienne, un psychiatre, et des noms bizarres dont je ne me souviens plus.

A cause de cela, j’ai loupé mon activité favorite telle que le rugby que j’avais le lundi soir et le mercredi après-midi. J’ai pu rentrer dormir à la maison mais dans la journée, j’ai dû attendre parfois longtemps dans une chambre avant de voir une personne. Oh j’avais quand même des revues de gamins et du coloriage.

Un samedi matin, maman a reçu le courrier. C’était pour dire ce que j’avais. Un médecin nous donnait rendez-vous dans deux semaines pour en parler.

J’ai un syndrome de Doctuche de Mortan. Je suis dysprachique. Je suis dysfolique. Je suis dysmorphique et enfin j’ai une déprésurisation à tendance sicidaire.

Tous ces mots me plombent ma journée. Je ne sais plus quoi faire. Je suis un peu perdu et ma mère est complètement désorientée. Mon père ? N’en parlons pas, il est complètement ahuri et il est parti abattre des arbres qui menaçaient de tomber sur notre maison. Cela m’a donné un effet bombe atomique.

Je me sens étiqueté, ficelé, emprisonné dans quelque chose que je ne veux pas. Je sens une colère bouillir en moi et j’ai envie de pleurer en même temps.

Et mes talents, qu’est-ce qu’on en fait ? Ce que je sais faire, que vas- t-on en faire ? Est-ce qu’on va me regarder comme un syndrome à deux pattes dont il faut prendre soin et guérir les symptômes.

Je me sens à la fois perdu et lucide. Je me sens parfois naïf, idiot mais aussi j’ai des lueurs d’intelligence. C’est ce qui me rassure. Cela m’arrive d’avoir un esprit critique et je me surprends d’en avoir. Cela me fait plaisir. Mais ça, personne ne l’a relevé. Et c’est frustrant. Non, c’est pire. C’est injuste.

Voilà, on m’a diagnostiqué ! On m’a étiqueté.

(Fiction écrite à partir de faits réels)

Fugue d’un éducateur

Il est 7h20. Les jeunes ont commencé à émerger pour prendre le petit déjeuner. Mais rien n’a été préparé. L’un d’eux a pourtant entendu la voiture de l’éducateur arriver sur le parking du foyer.

Le plus âgé, Séraphin, se rend au bureau de l’éduc’ et aperçoit que des feuilles ont été éparpillées. Et là, stupeur, la fenêtre est grand ouverte. Un petit mot sur la fenêtre écrit avec de la mousse à raser :

« Ciao, les jeunes, débrouillez-vous ! ».

Séraphin appelle ses huit autres camarades pour se mettre à la chasse de Maxime, l’éduc.

Le plus jeune, Dylan, 10 ans, récupère un détecteur de métaux. Parce que Maxime a des dents plombés, cela peut aider, dit-il. Les autres le regardent amusés. Et c’est ainsi que les 9 jeunes sortent de la rue et se répartissent en plusieurs groupes pour le retrouver.

Calvin et Henri, les inséparables font route vers l’étang où Maxime les emmenaient souvent pêcher. Chaque petit groupe avait pris le soin de prendre un talkie-walkie. Les passants étaient ahuris de les voir courir et concerter ensemble. Les habitués du quartier se souvenaient plutôt d’eux comme des chamailleurs sans nom.

Chaque recoin de rue était fouillé et pleins de questions aux passants s’ils n’auraient pas vu un gars barbu avec une boucle d’oreille à l’oreille droite, brun avec une queue de cheval. Une piste est évoquée vers le bois près de l’étang. Echanges par talkie-walkie, ils se retrouvent tous sur une place où trône une sculpture étrange aux milles couleurs. Ils longent l’étang et s’enfoncent dans le parc et là, ils aperçoivent un tissu orange. Dylan remarque une écriture, celle de Karima, une éducatrice :

«  Vous êtes sur la bonne voie. Continuez ». Et c’est ainsi qu’ils parcourent des sentiers jonchés de tissus oranges. Et là, Séraphin s’écrie : «  M’enfin, les gars, vous ne souveniez plus ? On avait entendu des semblants de chuchotements de la part des éducs qui nous feraient une surprise un jour. »

Soulagés que Maxime n’ait pas fait une vraie fugue. C’est un jeu grandeur nature qu’ils vivent pour la première fois.

Tout en marchant en peu rapidement, ils arrivent enfin dans une clairière où se trouvent un cabanon, et une grande table dressée jonchée de mets. Toute l’équipe éducative dont le chef de service les accueillait en les applaudissant. Parce que les jeunes étaient arrivés ensemble et c’était un défi que l’équipe voulait relever.

Chacun était tout étonné et joyeusement surpris. Ils se précipitent autour de la table pour s’empiffrer de pains aux chocolats, de brioches. Des jus d’orange fait maison coulaient à flots. Maxime fit une photo de cette bande de lurons pour marquer le coup.

Et la journée n’est pas finie pour eux car c’est la fête du foyer.

L’équipe avait pu lancer ce défi après un long cheminement avec chaque jeune, en travaillant sur leurs capacités, leurs savoir-être et savoir-faire.

Malgré cette fête, cela n’empêchera pas les coups de colères dans les prochaines semaines dues aux situations familiales de chacun mais au moins une relation de confiance s’est établie. Néanmoins la confiance se travaille chaque jour.

FIN

(Histoire complètement fictive)

Journal à mon père inconnu ( Version intégrale)

Dimanche 15 juin.

 Enfin, je t’écris Papa. Je m’appelle Rami si tu te souviens. Mon nom de famille ? Je ne sais pas. Maman s’est mariée quatre fois. Tu as disparu de la nature avant que je naisse, il y a 14 ans. Je n’ai jamais entendu parler de toi. Si je pose la moindre question à ma mère, elle me fout une torgnole. Alors, je ne dis rien. Je suis content de prendre le temps de t’écrire sur un petit cahier que j’ai reçu d’un de mes profs. Il fait sombre dans le salon. Tout le monde dort sur les matelas en mousse. Je suis sur le rebord de la fenêtre et je suis éclairée grâce au projecteur qui éclaire toute la rue. Nous habitons dans un immense immeuble. J’ai une superbe vue sur des usines qui crachent du feu, jour et nuit. Aujourd’hui, je me suis allé balader avec mon petit frère Loufi dans un terrain vague. Nous avons joué avec des morceaux de ferrailles, des pneus où l’on s’amuse à sauter dessus. C’était géant. Loufi a cassé des vitres d’une maison abandonnée à l’aide de briques. On s’est fait engueulé et nous avons beaucoup ri.

Mais ce soir, j’écris car j’ai mal au ventre et en haut de mes jambes. Cela dure depuis des jours mais je ne rien à ma mère. Elle te traite souvent d’hypocondriaque. Je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire mais j’imagine. Pour elle, c’est de la comédie pour ne pas aller à l’école. De toute façon, l’école, je n’arrive pas à suivre. Je suis trop fatigué. Je suis souvent fatigué et mes nuits sont agités. C’est-à-dire que je fais régulièrement des cauchemars. Parfois, j’ai une boule qui me reste dans la gorge. Je parle très peu et pourtant, je ne me débrouille pas trop mal à l’écrit. La preuve, je prends du plaisir.

Papa, j’essaie de t’imaginer. Tu dois être noir. Puisque Maman est blanche et moi, je suis brun. Loufi est blond  puisque son papa était suédois, le troisième de maman.

J’imagine que t’as dû être un héros. Comme Maman serait tellement jalouse de toi qu’elle voudrait complètement t’oublier. Enfin, je voudrais rêver que tu sois un homme énorme, puissant. T’imaginer me permet de rester debout. Ma mère ne s’occupe pas vraiment de moi. Je suis juste bon à l’accompagner au marché et porter les lourds sacs, à faire le ménage et à m’occuper de Loufi.

Je vais te laisser Papa. Je m’endors. Demain matin, Maman doit nous emmener chez le médecin pour mon petit frère. J’en aurai bien besoin aussi.

Mardi 17 juin

                Me voici, Papa. Je te remets ma colère envers maman. Enfin, celle qui est censé d’être ma mère. Pourquoi me hais-t-elle ? Nous sommes bien allés chez le médecin  hier pour Loufi. J’étais resté dans la salle d’attente. Quand ils sont sortis du cabinet, le médecin m’a aperçu et a demandé de me voir. Ma mère a refusé sous prétexte que je vais très bien. Je me suis levé pour essayer au cas où. Elle m’a regardé sévèrement, avec des yeux noirs. Je n’ai pas eu peur. Je suis passé devant elle et m’a murmuré que j’allais passer un mauvais quart d’heure. Le médecin n’a pas entendu mais il me semblait qu’il avait deviné. Il a assuré à ma mère qu’il n’en avait pas pour longtemps. C’est vrai que c’était court mais ô combien intense et libérateur. Il m’a ausculté et posé quelques questions. Puis discrètement, il m’a dit : «  Je vais voir ce que je peux faire pour toi. » Je me suis senti écouté, entendu. Cela m’avait fait un bien fou. Tellement cela m’avait fait du bien que cela m’a donné de la force pour la suite. Je savais bien ce qui allait m’arriver. Mais pas complètement. J’ai connu pire. Nous sommes rentrés à la maison après avoir déposé Loufi à l’école. En arrivant au bas de l’immeuble, elle m’a emmené à la cave et frappé. Elle m’a enfermé et m’a menacé qu’elle me tuerait si je la dénonçais. Alors je suis resté toute la journée d’hier dans le noir, avec à peine de l’air qui arrivait par une petite fenêtre. J’avais attendu jusqu’au soir à rester à peine allongé tellement il y avait le bazar. Maman m’a ramené à l’appart. J’ai été assommé par la lumière et la fatigue. J’ai pu boire et me suis écroulé sur mon matelas.

Voilà, Papa, Maman est sorti et m’a enfermé à clé. Je suis trop faible pour m’enfuir et même pour crier. Mais j’ai de la force pour t’écrire et te dire ma haine envers ma mère.

Merde, maman revient déjà….

Vendredi 18 juin

                Je n’ai plus mal Papa. Je vais mieux. Je peux t’écrire. Maman n’a pas réussi à me tuer. Je suis sûr que c’est toi, quelque part qui m’a protégé. Tu dois penser à moi pour que je réussisse à vivre. Je respire doucement, allongé à moitié sur mon lit, sur une tablette d’hôpital. Je suis heureux de pouvoir t’écrire. Soulagé d’être loin de la maison. Ici, je suis en sécurité. Les infirmières sont très gentilles dont une très mignonne qui change mes pansements. Mes jambes sont dans le plâtre. Je ne pourrai pas marcher avant longtemps. Mais je remarcherai, ça c’est sur et j’irai à ta recherche. J’irai vivre avec toi. Pour l’instant, il me faut être soigné. C’est étrange, je ne suis plus en colère. Peut-être que je suis loin de ma « famille ». Un de mes potes, Phil, est venu me voir avant que je t’écrive. Il m’a apporté pleins de BD et une grande carte avec pleins de signatures. Je me sens moins seul. Merci Papa…. Je reprends vite mon stylo pour te dire que deux clowns viennent me rendre visite. J’ai accepté leurs venues. Je te raconterai ça.

Même jour

                C’était trop bien Papa ! Ils m’ont trop fait rire surtout le professeur Hopopop avec sa petite barbiche et son air savant. Ah si tu avais entendu comme il parlait ! Il était trop drôle. Puis le deuxième, c’était une clown. Zoé’lastique. Elle faisait des acrobaties de ouf et faisait des pouêt-pouêt avec ses gants jaunes en guise chapeau. Ma chambre d’hôpital était devenue une aire de jeu pour eux. Tous les deux m’ont fait un bien fou. J’ai senti beaucoup de douceur et de tendresse, puis d’énergie et une folle envie de sourire et rire.  En partant, ils m’ont laissé un nez rouge. Mon premier cadeau. Peut-être que je ne suis pas un homme mais j’ai pleuré. Pleuré de joie Papa, mais pleuré quand même.

Papa, je veux m’en sortir. Quand je remarcherais, j’irai semer ce que j’ai reçu aujourd’hui, à mes voisins dans la même galère que moi.

J’ai toujours mes jambes dans le plâtre, et alors ? Maman m’a abandonnée, et alors ? Je suis loin de ma famille, et alors ? Je sais ce que je vaux. Ici, je me sens reconnu. On prend soin de moi.  Je relis sans cesse la superbe carte de ma classe. Cela me dynamise, me motive. Oui, j’espère Papa. Je t’aime Papa même si je ne te connais pas. Je te retrouverai un jour, c’est sûr. Promis !

Vendredi 13 aout

                Les jours passent et se ressemblent presque. Réveil à 6 heures du matin pour les premiers soins. Petit-déjeuner à 7h30. Kiné à 10h. Repas à 11h30. Visite normalement entre 14h et 20h. Ostéopathe à 16h. En revenant à la chambre, j’espère toujours avoir une bonne surprise. Mais rien de palpitant depuis fin juin. Je suis triste, Papa. J’ai envie de pleurer. J’ai l’impression d’avoir un container dans ma poitrine et qu’il suffirait d’un petit robinet pour tout lâcher. Mais je reste confiant, tu sais. Même triste, cela ne m’empêche pas de sourire aux infirmières, de rire en lisant des bandes dessinées. Mais quand je suis seul pendant un temps, j’ai l’impression de m’enfoncer dans le lit de solitude….

C’est quand même fou ce qu’on peut vivre en une journée. Je te disais que j’étais triste depuis quelques temps et là, je suis dingue de joie. Complètement hilare, Papa.  Une grand-mère est venue me voir à l’instant. En fait, c’était la mère de ma mère que je n’avais jamais connu. Elles s’étaient fâchés et ne se parlaient presque plus. Ma grand-mère avait appris que j’étais à l’hôpital par hasard, hier. Elle est venue de très loin. Grâce à elle, j’ai su où j’étais vraiment né. Je retrouverai ta trace Papa !

Samedi 14 aout

                Je relis encore une fois mon acte de naissance donné par ma grand-mère hier. Je suis né le 18 octobre 1999  à 19h52 à l’hôpital saint Louis, de Arsène Gomèse Badiane et de Catherine Emmanuelle Sansnom. J’ai déjà regardé un atlas et je me suis mis à t’imaginer Papa sur les rives du fleuve. A t’imaginer en train de me guetter à l’horizon. Je me mets à rêver à décoller pour le Sénégal, à découvrir ma vraie famille. Ma grand-mère m’a juste raconté comment je suis né mais elle lui reste des zones d’ombre. Elle ne sait rien de plus. J’avais senti qu’elle me cachait des choses mais peu importe. Je sais maintenant d’où je viens. Je suis heureux. J’ai un but pour pouvoir marcher, guérir plus vite. Te rencontrer, te connaitre Papa.

Attends, j’entends des cris dans le couloir….

Papa, je tremble. C’était maman qui a essayé de me voir. Elle a essayé de forcer le passage. Je l’ai à peine aperçu. Elle a crié : «  Rami, je t’interdis d’aller au Sénégal. Sinon,  J’aurai ta peau. » Puis un flic l’a embarqué. Un médecin est venu me voir pour me dire que je changerai d’hôpital par mesure de sécurité, avec l’accord du juge. Qu’as-tu donc fait Papa pour que je sois interdit de séjour chez toi ?

Malgré cette peur qui me tenaille, une folle envie de défier ma mère me prend. Je veux prendre ce risque. Je me préparerai au voyage.

Samedi 4 septembre

                Enfin, je peux marcher tout seul Papa. Je vais être hébergé dans un foyer le temps qu’on me trouve une famille d’accueil. Ma mère est enfin en prison et mon petit frère Loufi est chez ma grand-mère. Je viens de sortir de l’hôpital. Un éducateur est venu me voir pour préparer mon séjour au foyer.  Je ne suis pas inquiet. Je lui ai juste parler de toi et il m’avait promis qu’on préparerait mon voyage. Peut-être pour les vacances de Toussaint ?

Lundi 27 septembre

                Je prends le temps de t’écrire Papa. Ma vie au foyer se passe à peu près bien même si mes voisins de chambre m’emmerdent parfois. Ils font les durs et me provoquent à la bagarre. Le souci est que je n’ai pas de forces. Pas pour l’instant. Cela viendra. Je continue d’aller à au collège où je galère un peu. J’ai du mal à me concentrer. Heureusement, mon prof principale est au courant de mon histoire et m’encourage.

Jeudi 30 septembre

                Il me faut une autorisation de sortie par mes parents pour sortir du territoire. . Ma mère, déchu de l’autorité parentale et toi, inexistant pour l’administration, je suis mal barré. Mais heureusement, j’aurai un tuteur. Je le verrai demain avec le juge.

Vendredi 1er octobre

                Trop bien. Le tuteur est partant pour mon projet d’essayer de te retrouver. Je suis fou de joie. J’ai du mal à tenir en place. Je te laisse. Je vais fêter ça avec le foyer. Les éducs m’ont prévu une soirée sur le Sénégal, un repas typique et de la bonne musique. Tous mes potes du collège se sont réunis pour récolter des fonds pour payer mon voyage. A très bientôt papa.

Vendredi 15 octobre

                J’irai te rejoindre à Noel. Il n’y avait plus de places pendant les vacances de Toussaint pour Dakar. Pour que je mérite vraiment mon voyage, je te promets de bosser à fond. Pour que tu sois fier de moi. Les vaccins ont été faits. Je suis prêt….

Samedi 18 décembre

                Papa, je me disais bien que c’était trop beau. On m’avait bien dit que j’avais une chance énorme d’avoir un foyer aussi attentionné à mon égard et des potes qui voulaient bien m’offrir le voyage. En me relisant et en vivant au jour au jour, je me suis rendu compte que je vivais dans un monde en parallèle. Les potes m’ont fait croire qu’ils récoltaient des sous. Juste pour me faire plaisir. Ils n’ont rien récolté. Où à peine, juste de quoi s’acheter des carambars. Je me sens complètement trahi Papa. Je me suis trop emballé. Puis pour le foyer, tout était de façade, pour du beurre. Ils ont exploité mon histoire à court terme. Croyant bien faire, je pense, pour garder le moral après la tentative de meurtre de maman à mon égard.

Mais je garde le cap, malgré tout. Je me documente sur le Sénégal, j’ai envoyé une lettre à la maternité où je suis né et la préfecture de Saint Louis. Pour savoir où tu habites maintenant, si t’es encore vivant. Je n’ai reçu aucune réponse. Je ne désespère pas.

Alors je fais quoi maintenant ? Je fugue pour tenter de rejoindre le Sénégal ?

J’ai oublié de te dire Papa que je vais aller dans une famille d’accueil pour Noel pour rester un temps ensuite. Voudront-ils de mon projet d’aller à ta recherche ?

Je ne sais pas trop quoi espérer mais je ne veux pas baisser les bras. Qu’est-ce qui est de l’ordre du raisonnable ? En qui faire confiance ?   Est-ce que juste savoir ton nom me suffit à te connaitre ? Non, bien sûr. Attendre ? Saisir quelle opportunité ?

Je suis à court. Je me sens perdu.

Ne m’abandonne pas !

Vendredi 31 décembre

                Papa, j’ai pris ma décision. Ma famille d’accueil ne veut pas entendre parler de mon projet. Ils me disent que je doive faire le deuil d’un père absent. Pour eux, je dois t’oublier et me construire un avenir pour partir sur de bonnes bases. Ils m’imposent des règles que je refuse. Ils sont en train de faire leur réveillon. Je me suis enfermé dans une petite chambre qui donne sur une petite cour, avec une vue sur le métro. Sur mon soi-disant bureau, j’ai mes économies. 250 euros. Je ne me rends pas vraiment compte si c’est beaucoup ou pas. Mais je veux prendre le risque de partir à ta recherche. Mais par où commencer ? Dehors, il fait nuit. Il fait doux pour la saison.

J’y vais.

Lundi 1er janvier

                Je suis gelé mais heureux de ma décision. J’ai pu prendre le dernier métro cette nuit. Puis j’ai tout fait pour atterrir sur une aire de péage à la recherche d’un camion en direction de Marseille. J’avais tenté d’écouter des conversations. Puis j’ai pu trouver. Je me suis faufilé dans une remarque où un morceau de bâche était mal fixé. Tout roule pour l’instant. J’ai dans mon sac à dos, juste une bonne bouteille d’eau, des barres de céréales, mes sous, ma carte d’identité. Je suis coincé entre deux caisses mais assez pour m’assoir. Cela m’a rappelé des souvenirs de cave. Mais là, c’est pour une bonne cause. Avec ma lampe de pose, j’arrive à t’écrire Papa. J’espère que tu ne m’en voudras pas. Mon objectif est de prendre le ferry en direction du Maroc puis après le Sénégal à travers le désert. Je suis fou ? Peut-être. Je n’ai plus rien à perdre. Mon but, c’est toi Papa.

Vendredi 12 janvier

                J’ai réussi Papa ! Je suis dans l’avion. J’arrive dans 5 heures à Dakar. Mais comment ? Tu me diras.  C’est génial. C’est complètement dingue. Tu sais que j’étais dans le camion en direction de Marseille. Le conducteur m’a découvert à l’arrivée parce que j’étais coincée. Je n’avais pas pu ressortir discrètement de ma cachette. Il avait appelé son patron dans un énorme dépôt de marchandises. Le chef m’a amené dans son bureau qui surplombait le hangar. Il avait pris le temps d’écouter mon histoire. Il m’a vraiment cru et m’avait annoncé que ça tombait bien car il partait avec sa famille au Sénégal la semaine d’après. Un coup de bol énorme. Un de ses fils ne pouvait plus venir car il s’était cassé une jambe. Alors je pourrai le remplacer. Mais pour ça, il a dû téléphoner à ma famille d’accueil pour la rassurer, puis à mon tuteur pour organiser tout ça. Le chef s’appelle Mr Chiarré. J’ai été très bien accueilli par sa famille. Sa femme m’a choyé, a bien pris soin de moi. Ils ont trois enfants. Ils ont tous fait pour que je sois accueilli dans les meilleures conditions. Ils m’ont acheté des vêtements. Je jubile Papa ! Je suis à côté du hublot et j’ai encore du mal à réaliser tout cela. Nous survolons l’Espagne.

Normalement, ils avaient prévu d’aller à Nianing sur la côte au sud de Dakar. Nous irons donc dans un hôtel avec piscine à Saint Louis.  Mr Chiarre m’accompagnera dans ma recherche. Nous te retrouverons, je suis sûr et certain, Papa !

Samedi 13 janvier

                Nous sommes à l’hôtel Mermoz sur la langue de Barbarie, au sud de Saint Louis. Nous avons une vue énorme sur l’océan, avec du sable à perte de vue du nord au sud. Nous sommes abrités par des palmiers et des bougainvilliers. Les chambres sont dans des bâtiments rectangulaires jaunes ou oranges. Je pensais qu’il ferait chaud et humide. Mais non, il fait frais, pas mal de vent et il fait gris. Peu importe. Je ne suis pas loin de toi Papa. Je t’écris du bar où je bois mon premier bissap. Trop bon.

Mme Chiarre m’annonce à l’instant que nous partons pour la ville.

J’arrive Papa !

Epilogue

C’est ainsi que Rami est parti dans les rues de Saint Louis avec la famille Chiarre. Ils sont allés à l’hôpital. Ils ont bien une adresse. C’est dans le quartier Goxu Mbathié.

Ils longent en calèche le fleuve avec les immenses pirogues qui attendaient sagement pour partir vers le large. Rami est silencieux. Il observe quelques enfants jouer au ballon sur la plage parsemés de déchets de toutes sortes. Ils passent devant des boutiques où l’on trouve de tout. On entend des rires.

Enfin, ils arrivent à l’adresse. Ils sont à l’orée d’une grande place vide sableuse où jouent d’autres enfants. Dans la petite cour devant la maison, une femme fait le ménage avec un balai paille.

Salutations. Présentations. C’est la femme d’Arsène. Quand elle a entendu l’histoire de Rami. Elle se met dans un état de joie incroyable. Elle prend Rami dans ses bras. Elle crie : «  T’es vivant ! T’es vivant ! ». Puis elle appelle Arsène. Ce dernier arrive boitant avec une béquille. Il est en grand boubou bleu d’azur et porte un chèche bleu gris autour de son cou. Il reste immobile en observant Rami. «  Et ta mère ? ».

«  En prison ! »

« Elle la mérite » répond son père.

La femme d’Arsène invite tout le monde à s’assoir dans le salon. Elle part préparer le thé. Arsène reste encore impassible mais à l’intérieur de lui, il est tout chamboulé.

Quand le thé est servi, Arsène raconte enfin leur histoire.

Il a rencontré sa femme dans un centre de désintoxication. Il était infirmier. Elle, elle était de passage. Ils sont sortis ensemble et puis elle est tombée enceinte. Cela a été 9 mois de galère pour Arsène car sa famille le rejetait. Il était père d’un enfant illégitime. Pour sauver son honneur, ils se sont mariés à la mairie de Saint-Louis. A peine deux semaines après la naissance de Rami, sa femme a pété les plombs en battant son mari. Elle l’a laissé comme mort et elle est partie avec le bébé sans plus donné de nouvelles. Pour Arsène, ils n’existaient plus. Il est resté infirme depuis et peu juste travailler de ses mains en fabriquant des statuettes.

Rami sort son journal et le donne à son père.

Silence. Lecture.

Larmes d’Arsène.

«  Mon fils ! »

«  Papa »

FIN

Journal à mon père inconnu – 11 – Epilogue

C’est ainsi que Rami est parti dans les rues de Saint Louis avec la famille Chiarre. Ils sont allés à l’hôpital. Ils ont bien une adresse. C’est dans le quartier Goxu Mbathié.

Ils longent en calèche le fleuve avec les immenses pirogues qui attendaient sagement pour partir vers le large. Rami est silencieux. Il observe quelques enfants jouer au ballon sur la plage parsemés de déchets de toutes sortes. Ils passent devant des boutiques où l’on trouve de tout. On entend des rires.

Enfin, ils arrivent à l’adresse. Ils sont à l’orée d’une grande place vide sableuse où jouent d’autres enfants. Dans la petite cour devant la maison, une femme fait le ménage avec un balai paille.

Salutations. Présentations. C’est la femme d’Arsène. Quand elle a entendu l’histoire de Rami. Elle se met dans un état de joie incroyable. Elle prend Rami dans ses bras. Elle crie : «  T’es vivant ! T’es vivant ! ». Puis elle appelle Arsène. Ce dernier arrive boitant avec une béquille. Il est en grand boubou bleu d’azur et porte un chèche bleu gris autour de son cou. Il reste immobile en observant Rami. «  Et ta mère ? ».

«  En prison ! »

« Elle la mérite » répond son père.

La femme d’Arsène invite tout le monde à s’assoir dans le salon. Elle part préparer le thé. Arsène reste encore impassible mais à l’intérieur de lui, il est tout chamboulé.

Quand le thé est servi, Arsène raconte enfin leur histoire.

Il a rencontré sa femme dans un centre de désintoxication. Il était infirmier. Elle, elle était de passage. Ils sont sortis ensemble et puis elle est tombé enceinte. Cela a été 9 mois de galère pour Arsène car sa famille le rejetait. Il était père d’un enfant illégitime. Pour sauver son honneur, ils se sont mariés à la mairie de Saint-Louis. A peine deux semaines après la naissance de Rami, sa femme a pété les plombs en battant son mari. Elle l’a laissé comme mort et elle est parti avec le bébé sans plus donné de nouvelles. Pour Arsène, ils n’existaient plus. Il est resté infirme depuis et peu juste travailler de ses mains en fabriquant des statuettes.

Rami sort son journal et le donne à son père.

Silence. Lecture.

Larmes d’Arsène.

«  Mon fils ! »

«  Papa »

FIN

Journal à mon père inconnu – 10

Vendredi 12 janvier

                J’ai réussi Papa ! Je suis dans l’avion. J’arrive dans 5 heures à Dakar. Mais comment ? tu me diras.  C’est génial. C’est complètement dingue. Tu sais que j’étais dans le camion en direction de Marseille. Le conducteur m’a découvert à l’arrivée parce que j’étais coincée. Je n’avais pas pu ressortir discrètement de ma cachette. Il avait appelé son patron dans un énorme dépôt de marchandises. Le chef m’a amené dans son bureau qui surplombait le hangar. Il avait pris le temps d’écouter mon histoire. Il m’a vraiment cru et m’avait annoncé que ça tombait bien car il partait avec sa famille au Sénégal la semaine d’après. Un coup de bol énorme. Un de ses fils ne pouvait plus venir car il s’était cassé une jambe. Alors je pourrai le remplacer. Mais pour ça, il a dû téléphoner à ma famille d’accueil pour la rassurer, puis à mon tuteur pour organiser tout ça. Le chef s’appelle Mr Chiarré. J’ai été très bien accueilli par sa famille. Sa femme m’a choyé, a bien pris soin de moi. Ils ont trois enfants. Ils ont tous fait pour que je sois accueilli dans les meilleures conditions. Ils m’ont acheté des vêtements. Je jubile Papa ! Je suis à côté du hublot et j’ai encore du mal à réaliser tout cela. Nous survolons l’Espagne.

Normalement, ils avaient prévu d’aller à Nianing sur la côte au sud de Dakar. Nous irons donc dans un hôtel avec piscine à Saint Louis.  Mr Chiarre m’accompagnera dans ma recherche. Nous te retrouverons, je suis sûr et certain, Papa !

Samedi 13 janvier

                Nous sommes à l’hôtel Mermoz sur la langue de Barbarie, au sud de Saint Louis. Nous avons une vue énorme sur l’océan, avec du sable à perte de vue du nord au sud. Nous sommes abrités par des palmiers et des bougainvilliers. Les chambres sont dans des bâtiments rectangulaires jaunes ou oranges. Je pensais qu’il ferait chaud et humide. Mais non, il fait frais, pas mal de vent et il fait gris. Peu importe. Je ne suis pas loin de toi Papa. Je t’écris du bar où je bois mon premier bissap. Trop bon.

Mme Chiarre m’annonce à l’instant que nous partons pour la ville.

J’arrive Papa !

( A suivre…. Epiloque et fin demain)

Journal à mon père inconnu – 9

Vendredi 31 décembre

                Papa, j’ai pris ma décision. Ma famille d’accueil ne veut pas entendre parler de mon projet. Ils me disent que je doive faire le deuil d’un père absent. Pour eux, je dois t’oublier et me construire un avenir pour partir sur de bonnes bases. Ils m’imposent des règles que je refuse. Ils sont en train de faire leur réveillon. Je me suis enfermé dans une petite chambre qui donne sur une petite cour, avec une vue sur le métro. Sur mon soi-disant bureau, j’ai mes économies. 250 euros. Je ne me rends pas vraiment compte si c’est beaucoup ou pas. Mais je veux prendre le risque de partir à ta recherche. Mais par où commencer ? Dehors, il fait nuit. Il fait doux pour la saison.

J’y vais.

Lundi 1er janvier

                Je suis gelé mais heureux de ma décision. J’ai pu prendre le dernier métro cette nuit. Puis j’ai tout fait pour atterrir sur une aire de péage à la recherche d’un camion en direction de Marseille. J’avais tenté d’écouter des conversations. Puis j’ai pu trouver. Je me suis faufilé dans une remarque où un morceau de bâche était mal fixé. Tout roule pour l’instant. J’ai dans mon sac à dos, juste une bonne bouteille d’eau, des barres de céréales, mes sous, ma carte d’identité. Je suis coincé entre deux caisses mais assez pour m’asseoir. Cela m’a rappelé des souvenirs de cave. Mais là, c’est pour une bonne cause. Avec ma lampe de pose, j’arrive à t’écrire Papa. J’espère que tu ne m’en voudras pas. Mon objectif est de prendre le ferry en direction du Maroc puis après le Sénégal à travers le désert. Je suis fou ? Peut-être. Je n’ai plus rien à perdre. Mon but, c’est toi Papa.

( A suivre…)

Journal à mon père inconnu – 8

Samedi 18 décembre

Papa, je me disais bien que c’était trop beau. On m’avait bien dit que j’avais une chance énorme d’avoir un foyer aussi attentionné à mon égard et des potes qui voulaient bien m’offrir le voyage. En me relisant et en vivant au jour au jour, je me suis rendu compte que je vivais dans un monde en parallèle. Les potes m’ont fait croire qu’ils récoltaient des sous. Juste pour me faire plaisir. Ils n’ont rien récolté. Où à peine, juste de quoi s’acheter des carambars. Je me sens complètement trahi Papa. Je me suis trop emballé. Puis pour le foyer, tout était de façade, pour du beurre. Ils ont exploité mon histoire à court terme. Croyant bien faire, je pense, pour garder le moral après la tentative de meurtre de maman à mon égard.

Mais je garde le cap, malgré tout. Je me documente sur le Sénégal, j’ai envoyé une lettre à la maternité où je suis né et la préfecture de Saint Louis. Pour savoir où tu habites maintenant, si t’es encore vivant. Je n’ai reçu aucune réponse. Je ne désespère pas.

Alors je fais quoi maintenant ? Je fugue pour tenter de rejoindre le Sénégal ?

J’ai oublié de te dire Papa que je vais aller dans une famille d’accueil pour Noel pour rester un temps ensuite. Voudront-ils de mon projet d’aller à ta recherche ?

Je ne sais pas trop quoi espérer mais je ne veux pas baisser les bras. Qu’est-ce qui est de l’ordre du raisonnable ? En qui faire confiance ?   Est-ce que juste savoir ton nom me suffit à te connaitre ? Non, bien sûr. Attendre ? Saisir quelle opportunité ?

Je suis à court. Je me sens perdu.

Ne m’abandonne pas !

 

( A suivre)