J’ai la Reconnaissance de Qualité Travailleur Handicapé.
Quels sont les avantages ?
AGEFIPH : https://agefiph.fr/
Cap Emploi (du Rhône): http://capemploi69.fr/
FIPHFP : http://www.fiphfp.fr/
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Tristan regardait autour de lui. Il vit ses appareils auditifs sur la table basse. Il les mit. Silence. Juste quelques bruits de fond comme la circulation dans la rue. Un chien qui aboyait dans la cage d’escalier. Et quelques petits bruits qu’il n’arrivait pas à identifier. Pour l’instant, rien ne clochait. Il respira lentement assis sur son canapé, le dos droit. Il se sentait soûlé par toutes les émotions qui l’avaient traversé. Sur son bureau, l’ordinateur était allumé et sur une chaise, il y avait quelqu’un. Il était de dos et en contre-jour. Il entendit des tapotements sur le clavier. Voilà d’où venaient ces sons inconnus. Tristan racla sa gorge pour faire part de sa présence.
C’était Simon, un de ses meilleurs amis. Il se retourna et alluma la pièce pour ne plus être en contre-jour. Il fit un grand sourire. « Salut Tristan, t’en quel état t’étais-dis donc ! ». Froncements de sourcils. Incompréhension. « Je t’ai retrouvé par terre. T’as du tomber dans les pommes. Rien de grave. Une amie et moi t’avons remis sur le canapé. Et me voici à t’attendre que tu te réveilles. Il est 20h15 mon gars. »
Tristan ne savait plus trop il en était. Il avait perdu la notion du temps. Il faisait encore jour même si le soleil était couché. Il se leva doucement et Il aperçut un courrier sur le bureau. Il le prit. C’était le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel.
On l’informa qu’il avait pris en compte les revendications de Fédération Nationale des Sourds de France., tel qu’avoir « accès à une information suffisante, de qualité, pleine et entière » avec du sous-titrage et la langue des signes.
Enfin, un rêve qui devenait réalité. Cela sera plus concret dans le temps pour que les moyens techniques puissent se peaufiner, pour que les journalistes et techniciens soient sensibilisés. Oui, il fallait du temps et de la persévérance. Ne plus laisser la colère faire perdre nos moyens. Tristan en savait quelque chose. On pouvait se révolter mais il était toujours nécessaire de prendre du recul, et de trouver les mots, les gestes pour avancer, pour acter nos engagements. Mais il savait qu’émotionnellement, c’était compliqué quand les mots n’arrivaient pas à sortir, quand il n’arrivait pas à pouvoir s’exprimer le plus justement possible. La frustration pouvait lui amener à être violent verbalement ou physiquement. En même temps, c’était valable pour tout le monde. Tristan tiltait. Il commençait à philosopher, à réfléchir. Tout semblait cohérent. Il ne rêvait plus. Simon était bien en chair et en os, et qui le regardait tout souriant.
Rangement du courrier. Claquement dans les mains. Tristan s’exclama : » Allez, sortons boire un coup pour fêter ça ».
Les amis sortirent. Et ils se mirent à rêver pour un monde encore plus accessible, plus fraternel, plus solidaire. Pour un monde où les gens ne se jugeraient plus sur leurs comportements, leurs attitudes avec des a-prioris tendancieux, des raccourcies dangereux.
Un rêve, quand elle respecte la dignité de chaque personne, se réalisera toujours.
Un sourd silencieux fera toujours du bruit pour se faire entendre et prendre sa place le plus juste possible.
Fin
Le voilà projeté dans ses souvenirs les plus désagréables qu’ils soient. Son rêve devenait du n’importe quoi qui allait fouiller dans sa mémoire, glanant au passage des incohérences, des absurdités. Mais là, il fut confronté à un cruel cauchemar. Il était là, assis sur un petit muret face à des élèves qui jouaient, l’ignoraient. Un profond sentiment de solitude l’envahissait. Il entendait juste du brouhaha. Des rires. Des cris. De l’autre côté de la cour caillouteuse, au pied d’un grand platane majestueux, errait un enfant étrange. Seul, lui aussi. Dans son monde. Il tournait autour de l’arbre en sursautant par moment et jouait avec ses mains.
Un sentiment de remords. Pourquoi ? Il s’en souvenait. Il l’avait rejeté lui aussi, s’isolant encore plus car il ne savait pas communiquer avec lui. Et pourtant, là, dans son rêve, il voulait faire autrement que ce qu’il avait vécu. Il se leva et fendit la meute de petits ados de 10 ans à 13 ans. Il entendit des sifflements. On s’amusait à lui siffler pour qu’il se retournât sans savoir d’où ça venait. Tristan ignora. Il alla à la rencontre de Corentin. L’enfant de la lune. Son cœur battait. Il appréhendait.
Essai d’échanges. Avec des gestes simples. Corentin souriait avec ses yeux. Tristan le comprit même si son visage restait neutre. Sonnerie de fin de récré. Tout le monde se mit en rang. Il ne voulait pas aller. Le rang était pour lui un calvaire. Des sifflements seraient de retour. On l’appellerait et se retournerait en voyant les autres regarder ailleurs ou rire.
Soudain, il se retrouva directement dans la classe devant le tableau noir, face aux élèves. Que devait-il se passer ? Le prof le regardait sévèrement. Qu’avait-il fait ? Il vit des jeunes filles pouffer. Des garçons le regarder de façon mesquin. Le prof lui reprochait de ne pas écouter et de rêver. Tristan respira un grand coup. Une réalité du passé dans un rêve. Et s’il disait ce qu’il aurait voulu tant dire ? Et s’il voulut s’expliquer tout simplement en expliquant ce qu’était la surdité ? En quoi ça impliquait ?
Et c’est ainsi que Tristan se lança dans une sensibilisation. Tous les visages changèrent. Personne ne rigolait. Le prof fut surpris.
La classe s’illuminait. Les murs disparurent. Les élèves disparaissaient au fur et à mesure dans des volées d’oiseaux multicolores. Les pupitres fondaient en sable fin. Le prof s’était statufié en marbre noir et blanc. Le tableau était devenu un écran de télévision où il voyait du sous-titrage, une personne signer.
Soudain, Tristan se retrouva sur son canapé jaune.
Fin du rêve ?
Notes de l’auteur :
. Texte en écoutant la bande-originale du film « Goodbye Lénine »
. Voir témoignage sur le harcèlement scolaire avec MélanieDeaf : Harcelée, parce que sourde!
Un son de guitare suivie d’une flopée de notes de piano. Tristan fut surpris. Il entendait. Il vérifia ses oreilles. Ses appareils étaient là. Absurde. Comme tout rêve d’ailleurs. Sauf s’il était vraiment réveillé. Il ouvrit ses yeux. Il se trouvait dans une grande salle de concert, avec des musiciens sur scène. Sur le côté, un grand panneau lumineux qui décrivait la musique et retranscrivait les paroles d’un chanteur. C’était toujours un rêve. Tristan ne fut plus submergé par les acouphènes. Les sons furent légères, tendres. Tout simplement harmonieux. Un chant s’éleva en crescendo et partit comme s’il dévalait des collines escarpées. Des sons de violons le faisaient frissonner comme s’ils l’emmenaient danser dans un camp de tziganes. Il était tout seul dans la salle à écouter l’orchestre et le soliste. Il resta longtemps à entendre. Des larmes de joie perlèrent ses joues. Il se laissa aller. Sans aucune honte. Puisqu’il n’y avait personne. N’est-ce pas ? Il se leva et juste au moment où il voulut avancer, il se heurta contre quelque chose. Il sentit qu’on le poussait. On le bousculait et fut traîné hors de la salle. La musique avait continué sans tenir compte de ce qui lui arrivait. Sur le pas de la porte, il se tint droit, tout tremblant contre le mur pour regarder la salle et le couloir en même temps. Personne. Il sentit pourtant des courants d’airs, des présences. Il eut la sensation désagréable qu’on le regardait. Son cœur battit. Un son aiguë perça son crâne coupant la musique enchanteresse. Tristan s’écria : « Et flûte ». Les acouphènes revenaient lui tourmenter. Il se laissa tomber et mit sa tête entre ses genoux. Il fut tiraillé entre des sons agréables à entendre et ces sons envahissants.
Soudain, il fut pris de vertiges. Il releva sa tête et se stabilisa avec ses mains contre le sol. Un sol caillouteux. Il regardait autour de lui. Il était dans une cour de récréation.
Que lui réservait donc son rêve ?
Un silence assourdissant. Tristan entendait un vacarme continu dans sa tête. Les gens, autour de lui, sur la place, semblaient lui parler. Mais il ne comprenait rien. Il ne percevait aucun son de leurs voix. Dans ses oreilles, des sons de rochers grignotés par la mer s’éternisaient. Un mal de crâne le prenait. Tristan fendit la foule, affrontant des regards surpris ou indifférents. Il se dirigea vers une maison en brique rose. Une porte était ouverte. Il s’y engouffra pour pénétrer dans une pièce sombre, vide. Il se recroquevilla contre un mur décrépi. Les bruits se font plus forts. Insoutenable. Son rêve devenait un cauchemar. Il voulut s’isoler encore plus mais son affaire ne s’arrangeait pas. Il voulut réfléchir, comprendre pourquoi, mais la douleur lui était insupportable. La souffrance était soudaine, insidieuse, sournoise. Il serrait sa tête avec ses mains. Comme s’il voulait déboucher une bouteille. Comme s’il voulait enlever un temps son cerveau. Il essaya de crier mais rien. Devenu muet. Ses cordes vocales étaient figées. Un comble. Certains diraient qu’il serait sourd-muet. Non, Juste un sourd silencieux à cause de ses douleurs. Et quand bien même, mais sans douleurs, certains sourds refusaient de parler pour ne communiquer qu’avec la langue des signes.
Soudain, il sentit une main toucher son crâne, le masser. Douloureux mais cela lui faisait du bien malgré tout. Ses acouphènes semblaient fondre dans un petit chuchotement d’un ruisseau. Il ouvrit les yeux et aperçut Tantris. Tristan lui fit un geste pour lui dire merci. Il respira profondément puis referma ses yeux.
Une note de musique le fit sursauter.
Un rêve. Sûrement un rêve. Cela n’était pas possible autrement. Tristan en était persuadé mais cela ne lui suffisait pas pour se réveiller. Tantris l’emmenait dans une grande salle de musée. Dans les salles, des bandes rugueuses et colorés guidaient les pas des visiteurs. Il y avait des guides qui signaient. Des tableaux en 3D où les aveugles pouvaient les toucher, sentir les textures, les reliefs. Des pictogrammes pour expliquer de manière simple chaque œuvre. Il était stupéfait. Et si seulement ça existait vraiment dans le réel. Si, cela existait mais c’était rare. Il reconnaissait que l’accessibilité à la culture, à l’information devait être pour tous. Sans exception. Et là, Il se sentait enivré par une joie immense de tout comprendre, d’être dans un monde où rien ne lui échappait. Même si ce n’était qu’un rêve. Il en profiterait alors. On ne savait jamais, il pourrait trouver des idées. Mais est-ce qu’il s’en souviendrait quand il se réveillera. Chaque chose en son temps. Tristan pénétra dans une salle de conférences où il y avait de la retranscription écrite, des boucles magnétiques, de l’audiodescription… C’est ballot, il n’avait toujours pas ses appareils auditifs. Il se sentait un peu décontenancé puisqu’il ne connaissait pas la langue des signes. Heureusement, il y avait le sous-titrage. Tout était bien pensé.
Tristan cherchait à comprendre comment il en était arrivé là et surtout pourquoi il voyait son double vieux. Etait-ce une vocation à venir pour lui ? Trop facile, non ?
Quelqu’un le bouscula. Il s’excusa mais ne s’entendait pas. Étrange sensation même si elle n’était pas nouvelle. Il se mit à signer mais vit que cela ne servait à rien. L’autre était aveugle. Tristan était très embêté. Tantris vint à son secours et tapotant dans une main de l’aveugle. Ce dernier fit un grand sourire et signa qu’il n’y avait pas de soucis, et souhaitait la bienvenue à Tristan. Stupéfaction. Tout était simple dans la communication. Aucun handicap ne sautait aux yeux des visiteurs. Chacun avait sa place. Chacun faisait attention à l’autre.
Soudain, une force l’emmena hors du musée, avec une vitesse inimaginable. Il fut pris dans un tourbillon de bruits insoutenables et de lumières aveuglantes.
Et là, il se trouvait au milieu d’une place italienne remplie de monde. Où son rêve l’emmenait-t-il ?
C’était son propre reflet. Sa porte-miroir avait claqué. Il ne l’avait pas entendu. Ce qui le clouait sur place, de stupeur, c’était de se voir autrement. Son cœur battait à une vitesse inimaginable et un son aigu lui transperçait sa boite crânienne. Des acouphènes. C’était bien le moment. Mais Tristan s’en foutait de ces acouphènes qui ne duraient que quelques secondes. Mais voilà que son reflet lui prenait aux tripes. Il était devenu vieux. Enfin, avec des rides en plus et des cheveux gris. Moins jeune qu’il est normalement. Il voyait son reflet, immobile, comme lui. Logique. Mais son reflet lui fait un sourire. Tristan non. Il lui fait un signe de venir. Un signe de ne pas avoir peur. Son reflet parlait en langue des signes. Alors que lui-même n’en connaissais que quelques mots. Tristan respire un grand coup. Un parfum étrange l’enveloppait. Une odeur de miel et de gingembre, et un peu de formol. Il regarde ses mains. Normal. Sans rides. Son reflet l’invite encore une fois à venir. Tristan pensait bien qu’il allait se prendre la porte. Puis même qu’il briserait le miroir. Mais qui ne tente rien n’a rien, n’est-ce pas ? C’était sa devise préférée. Alors Tristan avançait et sa main gauche toucha le miroir. Ce dernier se déforma comme une douce cascade. Son reflet avait disparu derrière les filets d’eau. L’eau ne l’humidifiait pas. Sa main disparaissait puis son bras, sa jambe gauche. Et là, il sentit qu’on prenait sa main gauche. Il disparut brusquement dans la cascade. Tristan apparut dans une gigantesque grotte de marbre blanc et noir. Il vit pleins de gens signer dans tous les sens. Un énorme écran suspendu par des drones. Il voyait du sous-titrage dans une langue bizarre avec des mots qu’il connaissait. Une moitié de l’écran signait une personne et de l’autre, une personne qui bougeait les lèvres. Il n’entendait toujours rien. Normal, sans appareils auditifs!
Il vit des personnes en fauteuil roulant électrique. Des escaliers se métamorphosaient en rampe dès qu’ils arrivaient à proximité. Pleins de pictogrammes étaient affichés sur des devantures de magasins incrustés dans la roche. Il ne reste pas de marbre le Tristan. Il trouve ça même dingue.
Enfin, son reflet se retrouva face à lui. Il épela son nom : Tantris.
Tantris lui semblait bienveillant à son égard. Il le prit par l’épaule et le guida dans cette immense cathédrale. Un puits de lumière l’illuminait grâce de justicieux placements de miroirs sur des colonnes sculptés.
Il ressentit de fortes vibrations. Il se retourna et vit un éléphant rose. Tristan faillit défaillir. Il n’avait pourtant pas bu. Il se pince. Rien. L’éléphant passa à côté de lui et sur son dos, se trouvait deux enfants en train de manger des bonbons. Et là, un singe aux ailes de papillon vint se poser devant lui avec un grand sourire.
Mais où est-il donc ?
Silence complet. Enfin, la routine quoi ! Sourd de naissance, le son ne lui manquait pas. Tristan s’en passait facilement en retirant ses appareils auditifs. Quand il voulait. Quand il pouvait. La liberté d’entendre ou de ne pas entendre. La classe, non ? Tristan trouvait que oui.
Il y avait une semaine, il avait fêté ses 25 ans avec ses potes. A moitié entendant, à moitié sourd. En nombre restreint. Pour être sûr de bien suivre à 100% et de profiter au maximum de sa soirée. Cela avait été impeccable jusqu’à ce qu’un pote d’un ami s’incrustasse en fin de soirée. Ce fut devenu l’enfer d’un instant car il parlait fort et vite, faisait des blagues sans qu’il comprenne. Heureusement, au bout de 10 minutes, ses amis lui avaient gentiment invité à visiter un bar à côté. Pour goûter un super mojito qu’il devait découvrir. Le gars était heureusement reparti et la soirée s’était finie en douceur.
Un soir printanier, Tristan était épuisé après sa journée de cours de psychologie du développement de l’enfant. Il avait utilisé son micro-HF. Une très bonne solution certes mais cela lui causait un mal de crâne pas possible. Il s’était blottit sur son canapé puis avait enlevé ses appareils auditifs. Le soleil couchant illuminait la pièce. Tristan rêvait de devenir psychologue. Quoi, pourquoi un sourd ne pourrait pas devenir psychologue ? Il existera pas mal d’aménagements possibles pour pouvoir vivre pleinement son métier. Il en est certain. Sans doute, limité mais pas impossible. Si on lui donnait les moyens, il pourrait le faire sans soucis.
Il relisait tranquillement les notes prises par un de ses collègues quand une forte vibration le fit sursauter. Il jetait un œil autour de lui. Rien. Il se précipite à la fenêtre pour voir ce qu’il s’est passé dans la rue. Rien. Enfin, rien de rien. Plus de rue. Il devait voir un immeuble en face mais là, juste le vide. Enfin, le vide, c’est une manière de dire. Il y avait un grand champ de coquelicot à perte de vue.
Tristan se retourna et alla s’asseoir sur son canapé. Il posa sa main droite sur le meuble pour récupérer ses appareils auditifs. Rien. Il inspira fort et commençait à chercher. Aucune trace de ses aides. Tristan ne voulait pas paniquer. Cela ne servait à rien, il le savait. Et pourtant, il y avait de quoi. Qu’une rue disparaisse, c’est déjà inquiétant. Mais qu’il fut plongé dans le silence sans sa volonté, c’est le comble du comble. Il aimerait bien crier mais à quoi bon, il ne va pas s’entendre. Aucun intérêt. Quoique !
Tristan s’était redressé brusquement car il sentit un souffle sur sa nuque. Il se retourna. Un vent de frayeur semblait sur le point de le rendre muet à vie.
(A suivre…)
Eliot est doux comme un agneau
Parfois il devient gigot.
Quand il est à l’école,
Il s’écrase et encaisse les railleries.
Il essaie d’ignorer les moqueries.
Ses bras lui font mal, brûlent.
Parfois il respire rapidement
Et sa poitrine est compressée comme un citron.
Il bouillonne au fond de lui mais veut tout garder.
Il bloque ses larmes pour ne pas faillir.
Sa tête lui fait un mal de crâne.
Son entourage ne le remarque même pas.
Il semble gentil, doux, tendre, discret.
Pas de quoi fouetter une mouche.
Mais un soir, ce fut le mot de trop.
Dans sa chambre, il ressasse la scène,
Les insultes des grands à la sortie de l’école
Puis une idée germe en lui. Diabolique.
Il fronce ses sourcils et un rictus lui vient.
Cela lui fait peur mais cela peut valoir le coup.
Il a hâte d’être demain. Il imagine un scénario.
Il se lève, prends son petit-déjeuner et part à l’école,
Sans dire au revoir à ses parents.
Sur la route, il prend un caillou, même deux.
Arrivé dans la cour, discrètement,
Il balance le caillou dans la tête du surveillant.
Il accuse ses harceleurs. Ils crient leur innocence. Pour une fois.
Ces derniers sont envoyés chez le directeur.
Eliot jubile à l’intérieur de lui-même.
Dans la queue pour aller en classe, il pique un stylo
Qui dépassait d’une poche d’une camarade.
Ni vu ni connu, il plante le stylo dans le dos d’une fille.
Cris de douleurs. Eliot se jette sur un autre de ses harceleurs,
Et l’accuse d’avoir blessé sa voisine.
Comme l’innocent est connu pour ses bêtises,
Il n’y eut aucun doute chez le professeur qui les emmenait en classe.
Renvoyé chez le directeur, le jeune injustement accusé.
On remercia Eliot d’avoir démasqué le coupable.
Au fil de la matinée, Il ne fait rien de spécial.
Il attend d’accomplir sa vengeance au self.
Il n’a jamais ressenti une telle puissance
A faire du mal autour de lui. C’est si facile.
Enfin l’heure du repas. Prise du plateau et des couverts.
Il se sert pour le dessert et l’entrée.
On lui donne une assiette d’omelette et d’épinards.
Puis comme d’habitude, il se met seul à une table.
Sans que personne ne le voie, il met son couteau dans sa poche
Puis se lève pour aller aux toilettes.
En fait, il fait semblant d’y aller car il se rue dans une pièce interdite.
Une vanne de gaz. Il l’ouvre. Un gros souffle part dans l’obscurité.
Il sort son couteau et tente de faire une étincelle.
Une torpeur lui vient et s’évanouit.
Une main le secoue.
Il se réveille. Sur son lit. Tout habillé.
Il s’était endormi.
Sa mère s’inquiète et lui pose des questions.
Eliot se confie. Non, il ne peut pas devenir un monstre.
Il y a toujours une autre solution pour éviter la violence.
Il décide de ne plus être gentil mais d’être vrai.
Mais il sait que cela prendra du temps.
Au fil de ses confidences, sa mère le rassure
Et lui apporte tout son soutien.
La parole libère. Les actes viendront après un discernement,
Après des discussions dans une ambiance plus apaisée.
Jamais décider sous le coup de la colère ou de la jubilation extrême.
Eliot repars à l’école plus confiant pour la suite.
Constant attend sagement sur son fauteuil roulant
Dans sa chambre aux couleurs pastel.
Avec sa main gauche, il pousse la manette difficilement.
Son fauteuil fait tomber une de ses chaises.
Cela le fait rire. Puis fermant ses yeux,
Il modèle un volant devant lui
Malgré ses bras ondulés.
Du vide, il ressent du dur.
Il se retrouve avec un vrai volant.
Constant respire profondément.
Une boite de vitesse apparait
Ainsi qu’un petit tableau de bord.
Il appuie sur un bouton vert. Il avance.
Le fauteuil semble éviter tout seul les obstacles.
Constant commence à paniquer.
Mais il trouve ça très amusant. Jouissif même.
La porte de la chambre s’ouvre par sa pensée
Pour la première fois, il se retrouve tout seul dans le couloir.
Le couloir semble infini des deux côtés.
Il s’engage et son fauteuil accélère de plus en plus.
Les murs disparaissent et laissent place
À des champs de smartes à perte de vue.
Le couloir est devenu un chemin de réglisse.
Au loin, un tremplin en langue de chat.
Oups de oups. Constant regarde son tableau de bord.
Il voit un bouton jaune « Envol ».
Il appuie et des ailes de barbe à papa sortent sous le fauteuil
Et deux ceintures l’entourent.
Une bulle de savon le protège.
Il jubile avec beaucoup d’appréhension tout de même.
Il survole des collines de fleurs orange et bleues.
Il aperçoit des maisons aux colonnes de pommes d’api.
Des rivières de jus d’ananas coulent à flots
Parcourant des prairies aux vaches de chocolats.
Les fameuses vaches violettes de Milka.
Son cœur se dilate de joie.
Un vent aux odeurs de caramel
Le pousse vers un océan d’or
Où des vagues de glace à la vanille
S’échouent sur des côtes de cigarettes russes.
Soudain, il entend :
« A taaaable ! »
Il s’éveille. Il est dans sa chambre, tout souriant.
Un AMP vient le chercher pour le repas.
Au menu, pizza à l’entrée, lasagnes au saumon et épinards puis glace à la vanille.
Presque un rêve prémonitoire, se dit Constant.
En y repensant, une odeur pestilentielle et sonore résonne dans la salle à manger.
Son voisin de table avait lâché les gaz.
Ce n’était pas un rêve de haut vol à durée illimité!