Un sourd silencieux – 5 – Douces notes

Un son de guitare suivie d’une flopée de notes de piano. Tristan fut surpris. Il entendait. Il vérifia ses oreilles. Ses appareils étaient là. Absurde. Comme tout rêve d’ailleurs. Sauf s’il était vraiment réveillé. Il ouvrit ses yeux. Il se trouvait dans une grande salle de concert, avec des musiciens sur scène. Sur le côté, un grand panneau lumineux qui décrivait la musique et retranscrivait les paroles d’un chanteur. C’était toujours un rêve. Tristan ne fut plus submergé par les acouphènes. Les sons furent légères, tendres. Tout simplement harmonieux. Un chant s’éleva en crescendo et partit comme s’il dévalait des collines escarpées. Des sons de violons le faisaient frissonner comme s’ils l’emmenaient danser dans un camp de tziganes. Il était tout seul dans la salle à écouter l’orchestre et le soliste. Il resta longtemps à entendre. Des larmes de joie perlèrent ses joues. Il se laissa aller. Sans aucune honte. Puisqu’il n’y avait personne. N’est-ce pas ?  Il se leva et juste au moment où il voulut avancer, il se heurta contre quelque chose. Il sentit qu’on le poussait. On le bousculait et fut traîné hors de la salle. La musique avait continué sans tenir compte de ce qui lui arrivait. Sur le pas de la porte, il se tint droit, tout tremblant contre le mur pour regarder la salle et le couloir en même temps. Personne. Il sentit pourtant des courants d’airs, des présences. Il eut la sensation désagréable qu’on le regardait. Son cœur battit. Un son aiguë perça son crâne coupant la musique enchanteresse. Tristan s’écria : « Et flûte ». Les acouphènes revenaient lui tourmenter. Il se laissa tomber et mit sa tête entre ses genoux.  Il fut tiraillé entre des sons agréables à entendre et ces sons envahissants.

Soudain, il fut pris de vertiges. Il releva sa tête et se stabilisa avec ses mains contre le sol. Un sol caillouteux. Il regardait autour de lui. Il était dans une cour de récréation.

Que lui réservait donc son rêve ?

Un sourd silencieux – 4 – Les acouphènes

Un silence assourdissant. Tristan entendait un vacarme continu dans sa tête. Les gens, autour de lui, sur la place, semblaient lui parler. Mais il ne comprenait rien. Il ne percevait aucun son de leurs voix. Dans ses oreilles, des sons de rochers grignotés par la mer s’éternisaient. Un mal de crâne le prenait. Tristan fendit la foule, affrontant des regards surpris ou indifférents. Il se dirigea vers une maison en brique rose. Une porte était ouverte. Il s’y engouffra pour pénétrer dans une pièce sombre, vide. Il se recroquevilla contre un mur décrépi. Les bruits se font plus forts. Insoutenable. Son rêve devenait un cauchemar. Il voulut s’isoler encore plus mais son affaire ne s’arrangeait pas. Il voulut réfléchir, comprendre pourquoi, mais la douleur lui était insupportable. La souffrance était soudaine, insidieuse, sournoise. Il serrait sa tête avec ses mains. Comme s’il voulait déboucher une bouteille. Comme s’il voulait enlever un temps son cerveau. Il essaya de crier mais rien. Devenu muet. Ses cordes vocales étaient figées. Un comble. Certains diraient qu’il serait sourd-muet. Non, Juste un sourd silencieux à cause de ses douleurs. Et quand bien même, mais sans douleurs, certains sourds refusaient de parler pour ne communiquer qu’avec la langue des signes.

Soudain, il sentit une main toucher son crâne, le masser. Douloureux mais cela lui faisait du bien malgré tout. Ses acouphènes semblaient fondre dans un petit chuchotement d’un ruisseau. Il ouvrit les yeux et aperçut Tantris. Tristan lui fit un geste pour lui dire merci. Il respira profondément puis referma ses yeux.

Une note de musique le fit sursauter.

Les acouphènes, du bruit dans la tête

Chaque jour, un train passe dans ses neurones et parcourt les méandres de ses pensées. Son crâne vibre de milles fréquences et joue une harmonie étrange et incompréhensible.

Un sifflement lui signale un stress permanent. Le train redémarre à une heure précise, rien à voir avec la SNCF. La liaison radio entre ses oreilles marche beaucoup mieux que le wifi, mieux que la 4G.

Il ferme les yeux et il voit une multitude de trains qui démarrent d’une gare désertique. Profonde solitude face à ce bruit intérieur que personne n’entend. Il tente de le combler par du bruit blanc pour essayer d’annuler le départ des locomotives. Un véritable sabotage de la société des chemins de fers intérieurs. Il s’imagine prendre la dynamite et faire exploser les rails synaptiques, les ponts neuronaux ou les gares locaux reptiliennes.

Chaque jour, il tente de vivre avec ce vacarme silencieux. Un tourbillon invisible le transporte loin des foules, des restaurants, des réunions de familles.

Chaque jour, il essaie de porter son attention sur une autre partie de son corps et oublier ses bruits infernaux. Yoga, sophrologie à gogo. Il lui semble parfois devenir dingo.

Acouphènes, douloureux et épuisants symptômes souvent méconnus souvent liés au stress, traumatismes sonores mais aussi, liés à des kystes, la plupart bénin, dans le nerf auditif, appelé neurinomes de l’acoustique.

Les bruits peuvent être aussi des sifflements, ou d’autres sons bizarres.

Pour les acouphéniques, il existe une association nationale : France Acouphènes

Ne restez pas seuls face ces bruits intérieurs.