Un sourd silencieux – 3 – l’accessibilité pour tous

Un rêve. Sûrement un rêve. Cela n’était pas possible autrement. Tristan en était persuadé mais cela ne lui suffisait pas pour se réveiller. Tantris l’emmenait dans une grande salle de musée. Dans les salles, des bandes rugueuses et colorés guidaient les pas des visiteurs.  Il y avait des guides qui signaient. Des tableaux en 3D où les aveugles pouvaient les toucher, sentir les textures, les reliefs. Des pictogrammes pour expliquer de manière simple chaque œuvre. Il était stupéfait. Et si seulement ça existait vraiment dans le réel. Si, cela existait mais c’était rare. Il reconnaissait que l’accessibilité à la culture, à l’information devait être pour tous. Sans exception. Et là, Il se sentait enivré par une joie immense de tout comprendre, d’être dans un monde où rien ne lui échappait. Même si ce n’était qu’un rêve. Il en profiterait alors. On ne savait jamais, il pourrait trouver des idées. Mais est-ce qu’il s’en souviendrait quand il se réveillera. Chaque chose en son temps. Tristan pénétra dans une salle de conférences où il y avait de la retranscription écrite, des boucles magnétiques, de l’audiodescription… C’est ballot, il n’avait toujours pas ses appareils auditifs. Il se sentait un peu décontenancé puisqu’il ne connaissait pas la langue des signes. Heureusement, il y avait le sous-titrage. Tout était bien pensé.

Tristan cherchait à comprendre comment il en était arrivé là  et surtout pourquoi il voyait son double vieux.  Etait-ce une vocation à venir pour lui ? Trop facile, non ?

Quelqu’un le bouscula. Il s’excusa mais ne s’entendait pas. Étrange sensation même si elle n’était pas nouvelle. Il se mit à signer mais vit que cela ne servait à rien. L’autre était aveugle. Tristan était très embêté. Tantris vint à son secours et tapotant dans une main de l’aveugle. Ce dernier fit un grand sourire et signa qu’il n’y avait pas de soucis, et souhaitait la bienvenue à Tristan. Stupéfaction. Tout était simple dans la communication. Aucun handicap ne sautait aux yeux des visiteurs. Chacun avait sa place. Chacun faisait attention à l’autre.

Soudain, une force l’emmena hors du musée, avec une vitesse inimaginable. Il fut pris dans un tourbillon de bruits insoutenables et de lumières aveuglantes.

Et là, il se trouvait au milieu d’une place italienne remplie de monde. Où son rêve l’emmenait-t-il ?

Sourd-oraliste muet

Je vous avais dit que j’étais sourd oraliste mais aussi muet.

C’est vrai que je parle beaucoup mais dans ma tête. Je parle dans tous les sens avec mes mains au fur et à mesure que mes idées défilent.

Une vraie cacophonie.

Ma bouche est souvent fermée. Seul mon nez respire.

Mes seuls sons sont inaudibles.

Alors je signe, j’imite, je singe et je fais comme si je façonnais l’air qui m’entoure. J’arrive même à faire des tourbillons, à créer des courants d’airs. De sacrés vents pour mes partenaires aveugles.

J’ai un ami aveugle qui voit très bien ce que je fais. Il sent la différence d’odeur sur chacune de mes expressions. Il a le sens du détail et je peux lui dire tout ce que je veux. Nous sommes les meilleurs amis au monde même si on  s’engueule parfois comme du poisson pourri.

Il me reproche souvent d’être muet comme une carpe du Groenland. Je ne l’entends pas souvent de cette oreille et ça m’énerve parfois. Nous nageons parfois en plein délire, dans des métaphores inimaginables.

Plus muet que moi, c’est pas possible. Je suis imbattable.

 

Pour continuer à rire :  » Je bouge les mains mais ça n’a aucun sens »