Couple sourd / entendant, un challenge ?

Bonjour à tous, comme la fin de l’année, un petit rappel des articles qui ont marqué le blog cette année.

Sourd, je suis marié avec une entendante. Ce n’est pas étonnant pour moi car mon entourage est entendant. Mais là, la question ne s’est pas posée. L’amour est entré en jeu et elle gomme les différences. Les différences sont toujours là comme pour tous les couples. Mais nous avons pu voir la personne « merveilleuse » qu’est l’autre. J’aime ma femme pour ce qu’elle est.

La question se pose : Et la communication ? Bien qu’elle ait travaillé avec des enfants sourds, le challenge était, pour elle, de me voir en tant que mari sourd en dehors du champ professionnel. Nous sommes restés vigilants dans nos relations sociales à ce  que je ne sois pas réduit à ma surdité. J’ai d’autres cordes à mon arc et c’est cela qu’elle a vu.

Nous avons régulièrement des malentendus et nous prenons souvent le temps d’en rediscuter. Certes, cela nous demande de l’énergie, des efforts. Néanmoins, cela en vaut la peine. C’est la même chose pour tous les couples. La communication est primordiale et ne passe pas seulement par la parole. Le langage du corps, du regard, des gestes.

Je suis oraliste et pourtant, nous utilisons parfois la LSF dans des contextes bruyants ou quand mon appareil tombe en panne.

Ce n’est pas tous les jours facile car, au début, le regard des autres sur ma surdité avait pas mal gêné ma femme. Le dialogue était nécessaire pour désamorcer le malaise. Ou bien, je fais du bruit sans me rendre compte et ça a parfois le don de l’agacer surtout la nuit (je me déplace sans mes appareils et les bruits sont amplifiés par le silence).

Est-ce un challenge d’être ensemble parce que je suis sourd et elle entendante ? La question n’est pas là.

Nous avons choisi de vivre ensemble avec tout ce qu’on est, avec nos fragilités, nos handicaps et avec nos forces. Nous sommes complémentaires. Je suppose que la complémentarité peut être une force.

L’union entre deux personnes est toujours un challenge quel que soit leurs identité.

Même sourd, j’ai une voix

Etant sourd, on pourrait croire que j’ai une voix bizarre, comme un accent belge ou alsacien.

Les gens s’imagineraient que j’ai des petits pois dans la bouche.

Point du tout, je parle très bien. Et pour moi, la parole est vitale.

Le son qui sort de ma bouche me libère et extériorise ce que je ressens.

J’ai cette chance d’avoir eu au moins 13 ans d’orthophonie. J’ai vraiment commencé à parler à 5 ans. Je devais sans doute parler fort ou mal. J’ai beaucoup appris. Surtout pour l’articulation.

J’ai appris aussi à poser ma voix. Ce qui m’a beaucoup aidé, c’est le théâtre, la lecture.

C’est un pur plaisir pour moi de lire à haute voix, quand j’ai bien sur travaillé le texte avant.

Je ne vous cache pas qu’il y a des faiblesses quand je fatigue. Mes mots raccourcissent et je finis pas ma phrase.

La parole est primordiale pour moi. Elle m’aide à m’ouvrir, à être entendu, à être reconnu.

Non, certains d’entre-vous savent bien que je  ne m’exprime pas en langue des signes. Ce n’est pas ma langue maternelle même si je suis sourd de naissance. Je m’en sers parfois avec ma femme quand mes piles tombent en panne. Mais je ne peux pas me passer des appareils.

J’ai besoin d’entendre et de m’entendre.

Je comprends que l’on ne veuille pas parler quand on n’entend pas sa voix ou quand ça dérange, ça titille, ça fait une voix de canard ou une voix nasillarde.

Cela me met en colère quand je lis des témoignages d’enfants sourds où des professionnelles disent aux parents, il ne parlera jamais etc… Qu’est-ce qu’ils en savent ?

N’ayez pas de peur de la voix car elle sort du ventre, lieu des émotions. Des sons sortent, elles sont nécessaires.

Je reconnais qu’il y a des personnes sourdes qui auront des difficultés à parler et qu’ils préfèreront la langue des signes. Et c’est tant mieux, heureusement.

Ill ne faut pas oublier non plus qu’il y a des sourds oralisants, comme moi, qui existent et qui sont plus nombreux qu’on ne le pense. Parce qu’ils se fondent « plus facilement dans le monde des entendants ». C’est difficile de de différencier tellement les profils des personnes sont différents.

N’ayons pas peur d’apprivoiser notre voix, quand c’est possible.

Qui suis-je ? Who I am ?

Qui suis-je_01

Douloureuse question de l’identité.

Qui suis-je ? D’où je viens ? Quelle est ma place?

Vers quel horizon me faut-il aller

Si je n’ai point de certitudes sur mon être ?

Quel est mon nom d’oiseau ?

Cela me rendra libre et confiant!

Couple sourd / entendante, un challenge ?

Sourd, je suis marié avec une entendante. Ce n’est pas étonnant pour moi car mon entourage est entendant. Mais là, la question ne s’est pas posée. L’amour est entré en jeu et elle gomme les différences. Les différences sont toujours là comme pour tous les couples. Mais nous avons pu voir la personne « merveilleuse » qu’est l’autre. J’aime ma femme pour ce qu’elle est.

La question se pose : Et la communication ? Bien qu’elle ait travaillé avec des enfants sourds, le challenge était, pour elle, de me voir en tant que mari sourd en dehors du champ professionnel. Nous sommes restés vigilants dans nos relations sociales à ce  que je ne sois pas réduit à ma surdité. J’ai d’autres cordes à mon arc et c’est cela qu’elle a vu.

Nous avons régulièrement des malentendus et nous prenons souvent le temps d’en rediscuter. Certes, cela nous demande de l’énergie, des efforts. Néanmoins, cela en vaut la peine. C’est la même chose pour tous les couples. La communication est primordiale et ne passe pas seulement par la parole. Le langage du corps, du regard, des gestes.

Je suis oraliste et pourtant, nous utilisons parfois la LSF dans des contextes bruyants ou quand mon appareil tombe en panne.

Ce n’est pas tous les jours facile car, au début, le regard des autres sur ma surdité avait pas mal gêné ma femme. Le dialogue était nécessaire pour désamorcer le malaise. Ou bien, je fais du bruit sans me rendre compte et ça a parfois le don de l’agacer surtout la nuit (je me déplace sans mes appareils et les bruits sont amplifiés par le silence).

Est-ce un challenge d’être ensemble parce que je suis sourd et elle entendante ? La question n’est pas là.

Nous avons choisi de vivre ensemble avec tout ce qu’on est, avec nos fragilités, nos handicaps et avec nos forces. Nous sommes complémentaires. Je suppose que la complémentarité peut être une force.

L’union entre deux personnes est toujours un challenge quel que soit leurs identité.

Je suis sourd-oraliste

J’ai beaucoup évoqué la diversité du monde des sourds.

Pas mal évoqué aussi la galère dans notre vie quotidienne, en termes de communication et d’appréhension du monde sonore qui nous entoure.

J’ai aussi abordé la question de l’identité pour essayer de montrer que nous ne résumons pas à notre surdité.

Mais aujourd’hui, je voudrais vous parler de ma position en tant que sourd-oraliste entre les sourds en général et les entendants.

Je parle très bien et je m’en sors très bien pour entendre l’autre dans un milieu calme. L’autre oublie facilement mon « handicap de la communication ». Ma posture est vite ambiguë, vite bancale.

Et quand je suis avec des sourds plutôt signants, pour une grande majorité, hélas, je suis entendant ou presque mais pas sourd.

Je n’entends rien sans appareil (Je n’en ai qu’un car mon autre oreille est kapout). Et j’aime bien entendre comme j’aime entendre le silence.

Trouver une juste place.

Pas une mince affaire où la norme serait d’entendre ou ne pas entendre même pas du tout.

Mal-entendre est encore plus bizarre, moins compris.

Devoir parler de sa surdité, l’approfondir, je trouve ça parfois renfermant. Cela peut m’amener à me dire que je ne pourrais pas faire plus à cause de ma surdité. Alors que c’est faux, bien sûr.

Déjà, c’est une galère. Pas la peine de se mettre un autre obstacle pour mettre un frein à ses compétences, ses talents etc…

Je suis sourd oraliste appareillé. Dire seulement que je suis sourd ne suffit pas. Il manque des éléments  de compréhension pour mieux entrer en communication. J’essaie de mettre des mots, non pas pour étiqueter (enfin, j’essaye du mieux je peux) mais pour verbaliser, mettre du sens derrière ce que l’on vit, ce que l’on est.

Un handicap invisible. Un truc qui cloche qui ne se voit pas. Tout de suite, cela influence la relation, le regard que porte l’autre sur moi.

J’aurai envie de répéter qu’un sourd n’est pas forcément obligé de signer.

Je me pose une question. La culture sourde, ne serait-ce pas la culture des sourds signants ? Je ne me reconnais pas dans cette culture. Je la respecte bien sûr et c’est très bien.

Ce sont juste mes idées, seulement mes idées qui se construisent au fil du temps, au fil des rencontres, au fil des lectures.

Nous nous arriverons toujours à nous entendre malgré nos différences entre les sourds. 😉

Je suis sourd oraliste. Quelle est ma place ?

Ma place, c’est celle que j’ai choisie.

Choisie avec le soutien de mes proches, de quelques personnes qui n’ont pas cherché à m’imposer leur vision. Choisi en prenant connaissance sur ce qui existe, à travers les lectures, les témoignages et bien sur, à travers toutes mes expériences.

J’ai choisi d’être sourd oraliste. Mais mon choix ne doit pas être le choix de l’autre. Malheureusement, ce choix m’amène à avoir « le cul entre deux chaises ». Entre le monde des entendants et le monde des sourds. Je suis amené à être rejeté d’un côté ou de l’autre, surtout du côté des sourds signants, en partie. Je dis bien en partie à cause de mes expériences, des réflexions que j’ai eu:

–  » Tu es sourd et tu parles ? Tu n’es pas sourd ! « , dixit des élèves sourds signants il y a 12 ans dans une classe spécialisée.

–  » Un sourd doit signer « , ce qui est sous-entendu, que je ne peux pas être sourd puis je ne signe pas. Réflexion faite par un interprête LSF entendant.

Ma place, c’est d’être reconnu comme une personne sourde et parfaitement intégré à la société. Pas simple, quand dans des groupes, je suis amené à m’isoler pour me reposer à cause du bruit, ou bien parce que je ne comprends rien et que c’est épuisant. Ou bien, lors des réunions, mon attention baisse et que je perds une partie de l’information. A coté de la plaque.

Pour prendre ma place, il me faut faire des efforts, aller de l’avant, et ne pas rester dans des idées arrêtés, ni des préjugés. C’est comme dans toute vie humaine, prendre notre place, c’est un combat de toute une vie mais sans écraser l’autre. Si je peux prendre ma place, pourquoi l’autre n’aurai pas droit à la sienne. Il y a toujours un moyen de s’entendre, de se comprendre, de se parler et accepter que l’autre est différent et semblable à la fois.

Pour que chacun prenne sa place, les efforts devraient être réciproques et ces efforts seraient simples à vivre par la suite et que ça irait de soi.

Je suis sourd. Mais je suis aussi un homme comme les entendants. J’entends souvent ou plutôt je lis souvent sur des forums de sourds et malentendants :  » Les entendants ne respectent pas…., les entendants sont comme çi « . Cela n’a aucun sens car chaque personne est unique et qu’on ne peut pas l’enfermer dans une généralité et le mettre dans une place qu’il ne veut pas. C’est la même chose quand on parle des noirs, des jaunes, des bleus. Y a tellement de nuances, de diversités et même des différences que nous ne pouvons pas généraliser.

Nous avons chacun notre place, quelque soit notre handicap, notre culture, notre couleur de peau etc….

Je suis responsable de ma place et qui peut évoluer dans le temps ou selon les aléas de la vie. Je suis responsable du message que je véhicule d’où je suis et surtout comment je me mets en marche, en mouvement vers les autres. Je suis responsable des paroles, des gestes que je pose.

Quelle place je veux avoir ? Quel message je souhaite transmettre ?

Sourd ou malentendant?

Est-ce que tu es sourd ou malentendant ?

Tout dépend dans quel contexte je suis et à qui je m’adresse. Et encore, c’est pas si simple que ça.
De manière concrète, j’ai une surdité sévère puisque de mon oreille gauche, je n’entends rien. J’ai une perte auditive de 100 DB (Surdité totale =>120 DB) ? Et pour mon oreille droite, j’ai une perte de 80 BD environ, selon les fréquences. Là, on peut dire que je suis sourd. Mais comme je suis appareillé sur mon oreille droite, la gauche étant hors-course, j’entends bien avec une très bonne récupération auditive. Là, je suis malentendant.

Ton identité de sourd ?

J’en ai pas. Je suis Vivien, tout simplement qui essaie de comprendre du mieux du possible et de s’adapter aux circonstances. Et le monde des sourds ? Avec la langue des signes ? Je m’y sens étranger malgré tout. C’est une autre culture même si je parle un peu la langue des signes.
Pas simple avec les représentations des gens qu’ont sur les sourds et malentendants. « Ah, il est malentendant, il faut juste parler un peu plus fort » « Ah et tu signes ? ».

M’enfin, Vivien, comment tu as fait pour si bien parler et entendre si t’es sourd ?

C’est grâce à la rééducation par l’orthophonie depuis je suis tout petit. Un travail de longue haleine surtout quand je devais répéter les sons sans voir la personne. Terrible ! Mais ça paye. En voiture ou en randonnée, je peux écouter ce que l’on me dit derrière moi sans me retourner. Par contre, quand la personne est devant, de dos. Impossible. Les sons se barrent dans le mauvais sens.

Une petite anecdote?

C’était cet été, dans le jardin de mes parents. ma femme vient me voir et j’entends: « Viens, on va éteindre le signe ». Stupéfaction. Fous rires. Bien sur, c’était « Viens, on va étendre le linge ». L’audition nous réserve parfois des surprises et l’accent des autres aussi!

Merci Vivien. Je vous souhaite une bonne soirée et un très bon week end à ceux qui nous entendent.

Avec plaisir. Si vous avez d’autres questions, je suis à votre disposition.

Le choc des cultures

Turquie, Tchéquie, Pologne, Lituanie
Turquie, Tchéquie, Pologne, Lituanie ( Fêtes consulaires à Lyon, 2014)

En quoi les cultures très diverses pourraient cohabiter ?

Mais est-ce que c’est vraiment possible ? Quand on voit les violences inter-ethniques, inter-religieux et autres conflits identitaires. Des façons de voir le monde, de vivre la foi peuvent s’opposer. Elles pourraient s’opposer quand il y a ignorance de l’autre et la peur de la différence. Et bien même parfois, il peut y avoir le refus d’accepter que l’autre fasse autre chose ! C’est tabou ! C’est un sacrilège !

Je pense qu’il peut y avoir de la jalousie entre des différents modes de vies dont l’un est poussé par des puissants.

Je repense au livre d’Amin Maalouf qui a écrit «  Les identités meurtrières ». [1]

                Ce sont ces blessures qui déterminent, à chaque étape de la vie, l’attitude des hommes à l’égard de leurs appartenances, et la hiérarchie entre celles-ci. Lorsqu’on a été brimé à cause de sa religion, lorsqu’on a été humilié ou raillé à cause de sa peau, ou de son accent, ou de ses habits rapiécés, on ne l’oubliera pas.

                Cette citation me parle et il me semble que c’est un peu comme ça que surgissent les intégristes, les radicaux, les extrémistes ! Plus ils ne se font pas comprendre, plus ils se retranchent dans leurs positions violentes.

                Une seule réponse même plusieurs me viennent pour que le monde puisse trouver un certain équilibre. C’est la volonté de la connaissance de l’autre. C’est connaitre l’autre à travers les mots, la musique, la culture, les arts. Ce sont les relations commerciales qui peuvent changer la donne. Ce sont les échanges culturels. C’est l’idée de construire des partenariats et que chacun puisse être reconnu à sa juste valeur.

Bien sûr, c’est un idéal mais on peut y tendre vers et surpasser nos peurs et nos rancoeurs.

Alors, je vous souhaite de vous ouvrir à l’étranger, d’oser aller vers cet inconnu. Si vous saviez ce qu’il peut y avoir comme richesse.

[1] Maalouf, Amin,  Les identités meurtrières. Paris : Grasset,1998