Je suis sourd-oraliste

J’ai beaucoup évoqué la diversité du monde des sourds.

Pas mal évoqué aussi la galère dans notre vie quotidienne, en termes de communication et d’appréhension du monde sonore qui nous entoure.

J’ai aussi abordé la question de l’identité pour essayer de montrer que nous ne résumons pas à notre surdité.

Mais aujourd’hui, je voudrais vous parler de ma position en tant que sourd-oraliste entre les sourds en général et les entendants.

Je parle très bien et je m’en sors très bien pour entendre l’autre dans un milieu calme. L’autre oublie facilement mon « handicap de la communication ». Ma posture est vite ambiguë, vite bancale.

Et quand je suis avec des sourds plutôt signants, pour une grande majorité, hélas, je suis entendant ou presque mais pas sourd.

Je n’entends rien sans appareil (Je n’en ai qu’un car mon autre oreille est kapout). Et j’aime bien entendre comme j’aime entendre le silence.

Trouver une juste place.

Pas une mince affaire où la norme serait d’entendre ou ne pas entendre même pas du tout.

Mal-entendre est encore plus bizarre, moins compris.

Devoir parler de sa surdité, l’approfondir, je trouve ça parfois renfermant. Cela peut m’amener à me dire que je ne pourrais pas faire plus à cause de ma surdité. Alors que c’est faux, bien sûr.

Déjà, c’est une galère. Pas la peine de se mettre un autre obstacle pour mettre un frein à ses compétences, ses talents etc…

Je suis sourd oraliste appareillé. Dire seulement que je suis sourd ne suffit pas. Il manque des éléments  de compréhension pour mieux entrer en communication. J’essaie de mettre des mots, non pas pour étiqueter (enfin, j’essaye du mieux je peux) mais pour verbaliser, mettre du sens derrière ce que l’on vit, ce que l’on est.

Un handicap invisible. Un truc qui cloche qui ne se voit pas. Tout de suite, cela influence la relation, le regard que porte l’autre sur moi.

J’aurai envie de répéter qu’un sourd n’est pas forcément obligé de signer.

Je me pose une question. La culture sourde, ne serait-ce pas la culture des sourds signants ? Je ne me reconnais pas dans cette culture. Je la respecte bien sûr et c’est très bien.

Ce sont juste mes idées, seulement mes idées qui se construisent au fil du temps, au fil des rencontres, au fil des lectures.

Nous nous arriverons toujours à nous entendre malgré nos différences entre les sourds. 😉

Je suis sourd oraliste. Quelle est ma place ?

Ma place, c’est celle que j’ai choisie.

Choisie avec le soutien de mes proches, de quelques personnes qui n’ont pas cherché à m’imposer leur vision. Choisi en prenant connaissance sur ce qui existe, à travers les lectures, les témoignages et bien sur, à travers toutes mes expériences.

J’ai choisi d’être sourd oraliste. Mais mon choix ne doit pas être le choix de l’autre. Malheureusement, ce choix m’amène à avoir « le cul entre deux chaises ». Entre le monde des entendants et le monde des sourds. Je suis amené à être rejeté d’un côté ou de l’autre, surtout du côté des sourds signants, en partie. Je dis bien en partie à cause de mes expériences, des réflexions que j’ai eu:

–  » Tu es sourd et tu parles ? Tu n’es pas sourd ! « , dixit des élèves sourds signants il y a 12 ans dans une classe spécialisée.

–  » Un sourd doit signer « , ce qui est sous-entendu, que je ne peux pas être sourd puis je ne signe pas. Réflexion faite par un interprête LSF entendant.

Ma place, c’est d’être reconnu comme une personne sourde et parfaitement intégré à la société. Pas simple, quand dans des groupes, je suis amené à m’isoler pour me reposer à cause du bruit, ou bien parce que je ne comprends rien et que c’est épuisant. Ou bien, lors des réunions, mon attention baisse et que je perds une partie de l’information. A coté de la plaque.

Pour prendre ma place, il me faut faire des efforts, aller de l’avant, et ne pas rester dans des idées arrêtés, ni des préjugés. C’est comme dans toute vie humaine, prendre notre place, c’est un combat de toute une vie mais sans écraser l’autre. Si je peux prendre ma place, pourquoi l’autre n’aurai pas droit à la sienne. Il y a toujours un moyen de s’entendre, de se comprendre, de se parler et accepter que l’autre est différent et semblable à la fois.

Pour que chacun prenne sa place, les efforts devraient être réciproques et ces efforts seraient simples à vivre par la suite et que ça irait de soi.

Je suis sourd. Mais je suis aussi un homme comme les entendants. J’entends souvent ou plutôt je lis souvent sur des forums de sourds et malentendants :  » Les entendants ne respectent pas…., les entendants sont comme çi « . Cela n’a aucun sens car chaque personne est unique et qu’on ne peut pas l’enfermer dans une généralité et le mettre dans une place qu’il ne veut pas. C’est la même chose quand on parle des noirs, des jaunes, des bleus. Y a tellement de nuances, de diversités et même des différences que nous ne pouvons pas généraliser.

Nous avons chacun notre place, quelque soit notre handicap, notre culture, notre couleur de peau etc….

Je suis responsable de ma place et qui peut évoluer dans le temps ou selon les aléas de la vie. Je suis responsable du message que je véhicule d’où je suis et surtout comment je me mets en marche, en mouvement vers les autres. Je suis responsable des paroles, des gestes que je pose.

Quelle place je veux avoir ? Quel message je souhaite transmettre ?