Sourd oraliste
Sourd oraliste ? Sourd signeur ?
Je suis sourd oraliste.
Je me définis comme cela parce que j’oralise complètement depuis tout petit. Enfin, j’ai vraiment commencé à parler à l’âge de 5 ans. J’ai été appareillé à 2 ans. J’ai connu la langue des signes que vers 14 ans. A ce moment-là, j’avais l’impression que j’étais chez moi, dans le monde des sourds avec une langue, la langue des signes. Mais ce fut éphémère. Des expériences amères et des déconvenues de la part de quelques sourds signeurs : « Mais tu parles… t’es pas sourd ». « T’es sourd et tu ne signes pas ? »
Je suis malentendant ? Le problème dans ce mot, c’est qu’il fait référence à une déficience, à quelque chose de négatif… Mal-entendre. Certains entendants pourraient s’imaginer qu’il faut parler plus fort ou bien qu’on entend malgré tout dans des situations calmes. Pas vraiment sourd.
Ou bien malentendant, certains s’imaginent qu’on s’enferme dans l’handicap : « J’entends mal… ». Comme les petits vieux. « Tu entends ce que tu veux entendre. Tu fais le sourd quand ça t’arranges. »
Comment faire comprendre que mal-entendre, ce n’est pas seulement la distinction du bruit, d’une voix ou pas. C’est aussi ne pas savoir faire la différence entre le « P » et le « B », le « D » et le « T ». Ou bien que les petits mots passent à la trappe comme les négations : « Te… casse….. la figure » au lieu de « te casse pas la figure ».
Qui n’a jamais cherché d’être au clair dans les mots qu’on donne pour se définir ?
En essayant de me définir, je ne me cherche pas à mettre une étiquette, à me mettre dans une case. Cela me permet juste de mieux me situer par rapport aux entendants et d’être dans une relation au plus juste.
Hier, j’ai fait une belle expérience dans un petit groupe dans un resto. Malgré le bruit ambiant, j’ai pu suivre la conversation. Il faisait bien attention à ce que je comprenne. Puis ils m’ont posé la question sur ma surdité. En disant que j’étais sourd oraliste, leur curiosité était là et je leur ai expliqué mon parcours et du choix des mots.
Je suis sourd oraliste. Je suis sourd et je parle. J’aurai pu être sourd bilingue en parlant et signant.
Je ne suis pas sourd signant puisque je ne signe pas. Un peu mais ce n’est pas ma langue.
Il y a aussi les sourds LPCi-stes, ceux qui utilisent la LPC, la langue parlée complété qui permet de coder les sons et de faire la distinction entre les sons. ( Pour en savoir plus, vous pouvez contacter l’association ALPC).
Bien sûr, ce n’est que du vocabulaire et nous ne sommes pas tous d’accord sur les termes à employer. A cause du vécu, des expériences très différentes, variées de chacun et chacune.
C’est pas tout ça, je ne me résume pas à ma surdité. Nous ne sommes pas réduits à notre handicap, quel qu’il soit. Mais ne comparons pas nos souffrances à d’autres souffrances qui seraient pires. Notre vécu est unique et incomparable.
Je préfère privilégier ce que je suis vraiment à travers les rencontres, les moments de loisirs et de boulots. Pour développer ce que je suis et être bien, seul ou avec les autres, j’essaie de me mettre dans des situations confortables où je peux comprendre une grande partie sur ce qui se passe. Parfois, il me faut accepter de ne pas tout entendre mais je peux comprendre différemment avec les moyens du bord.
Toute une aventure pour toute une vie.
Je suis sourd-oraliste
J’ai beaucoup évoqué la diversité du monde des sourds.
Pas mal évoqué aussi la galère dans notre vie quotidienne, en termes de communication et d’appréhension du monde sonore qui nous entoure.
J’ai aussi abordé la question de l’identité pour essayer de montrer que nous ne résumons pas à notre surdité.
Mais aujourd’hui, je voudrais vous parler de ma position en tant que sourd-oraliste entre les sourds en général et les entendants.
Je parle très bien et je m’en sors très bien pour entendre l’autre dans un milieu calme. L’autre oublie facilement mon « handicap de la communication ». Ma posture est vite ambiguë, vite bancale.
Et quand je suis avec des sourds plutôt signants, pour une grande majorité, hélas, je suis entendant ou presque mais pas sourd.
Je n’entends rien sans appareil (Je n’en ai qu’un car mon autre oreille est kapout). Et j’aime bien entendre comme j’aime entendre le silence.
Trouver une juste place.
Pas une mince affaire où la norme serait d’entendre ou ne pas entendre même pas du tout.
Mal-entendre est encore plus bizarre, moins compris.
Devoir parler de sa surdité, l’approfondir, je trouve ça parfois renfermant. Cela peut m’amener à me dire que je ne pourrais pas faire plus à cause de ma surdité. Alors que c’est faux, bien sûr.
Déjà, c’est une galère. Pas la peine de se mettre un autre obstacle pour mettre un frein à ses compétences, ses talents etc…
Je suis sourd oraliste appareillé. Dire seulement que je suis sourd ne suffit pas. Il manque des éléments de compréhension pour mieux entrer en communication. J’essaie de mettre des mots, non pas pour étiqueter (enfin, j’essaye du mieux je peux) mais pour verbaliser, mettre du sens derrière ce que l’on vit, ce que l’on est.
Un handicap invisible. Un truc qui cloche qui ne se voit pas. Tout de suite, cela influence la relation, le regard que porte l’autre sur moi.
J’aurai envie de répéter qu’un sourd n’est pas forcément obligé de signer.
Je me pose une question. La culture sourde, ne serait-ce pas la culture des sourds signants ? Je ne me reconnais pas dans cette culture. Je la respecte bien sûr et c’est très bien.
Ce sont juste mes idées, seulement mes idées qui se construisent au fil du temps, au fil des rencontres, au fil des lectures.
Nous nous arriverons toujours à nous entendre malgré nos différences entre les sourds. 😉