Kali, un compteur des contes, passait sa vie à parcourir le monde. Il voulait savoir combien de contes il y en avait. Ce n’était pas une tâche facile parce que certains contes se ressemblaient avec une trame presque identique. Elles se différenciaient de par les coutumes, les couleurs, les climats des pays. Comment s’y retrouver ?
Il y avait des contes pour rêver.
Des contes pour avoir peur.
Des contes pour guérir ou pleurer.
Des contes pour se révolter.
Des contes pour faire réfléchir.
Des contes pour rire et sourire.
Des contes magiques peuplés de monstres et de gnomes.
Des contes surprenants avec des personnages pleins de pouvoirs ou remplis d’humanité.
Des contes où les animaux parlent, où les arbres dansent.
Cela faisait bien cinq ans qu’il sillonnait chaque recoin de la terre, pour écouter les sages au coin d’un feu dans la brousse béninoise ou bien auprès des chamans du fin fond de la Mongolie ou de l’Amazonie.
Un soir, sur un pont enjambant le Rhin, il s’affaissât de fatigue sur le parapet. Il portait un sac lourd d’histoires. Il le posa sur le sol pavé, usé par des milles et des millions de pas.
Des visages, des voix, des gestes se bousculaient dans ses souvenirs. Sa tête fourmillait et lui faisait mal à la tête. Il n’en pouvait plus.
Une voix s’élève des eaux tumultueuses du fleuve.
« Kali, remonte jusqu’à ma source, tu trouveras la réponse ».
Kali fut bercé par cette voix qui l’appellait par son prénom. La première fois depuis des années. Il alla poser son sac de contes dans une auberge pour le mettre en sécurité.
Puis munie de son simple bâton, il remonta le Rhin.
Il pleuvait des trombes d’eau depuis trois jours. Le niveau de l’eau montait à vue d’œil. Kali dut monter sur un arbre et attendre.
Un hélicoptère vient à sa rescousse mais il refusa de monter dans l’engin. Il voulait rester au bord du fleuve et continuer sa quête.
Le Rhin dévala furieusement à travers les collines, charriant troncs d’arbres et quelques voitures. Kali dut monter encore plus haut au sommet de l’arbre qui résistait à la crue.
Il pleuvait sans cesse et Kali commençait à sentir son ventre crier famine. Il dut boire l’eau de pluie pour apaiser la douleur.
Enfin, le matin du troisième jour, le ciel fut éclatant de bleu et une vue incroyable s’offrait au compteur des contes.
Le Rhin s’était étendu à perte de vue jusqu’au pied des montagnes, où émergeaient à peine quelques collines. Il voyait d’autres cours d’eau qui se confondaient avec le fleuve. Où devra-t-il aller ?
Quelle est la vraie source du Rhin ? N’ayant pas de carte avec lui, il pourrait se tromper et mettre des mois à la trouver. Est-ce que cela avait un sens pour lui ?
Soudain, l’arbre sur lequel il se trouvait se mit à tomber. Il sauta dans l’eau et essaya de remonter à la surface malgré le courant. Enfin, il s’agrippa à un tronc et reprit souffle.
Le courant l’emporta loin de la source. Il tira sur ses bras pour enfourcher le tronc.
Il se laissa porter par les eaux. Il comprit enfin que son obstination aurait pu l’amener à sa perte.
Une voix s’éleva et le réchauffa :
« Kali, tu comprends enfin que je n’ai pas qu’une source mais plusieurs sources de toutes sortes. C’est comme pour tes contes, elles sont si nombreuses qu’elles n’ont qu’un objectif : Donner un sens à votre vie. Votre vie est si complexe qu’on ne peut pas le résumer en une seule histoire. C’est pour cela qu’il y a autant d’histoires que de vies qui ont existé et existent sur terre. »
Un bateau à moteur vint à lui. Kali accepta de monter à bord.
C’est ainsi que le compteur des contes devient lui-même conteur.
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