L’exil de Dylan, mineur étranger isolé (1/2)

(Fiction inspirés de faits réels. Où les rôles sont inversés. Là, la France est en guerre et le Ghana est un pays industrialisé bien loti).

C’est pourri. Un merveilleux pourri mais pourri quand même. Je suis même dans la merde la plus complète. J’ai pourtant quitté mon pays pour un monde meilleur. Enfin, je l’espérais. J’ai galéré, souffert mais aucune récompense de mes efforts. J’en ai eu un tout petit peu. Mais de la poudre aux yeux. Je suis d’origine d’une banlieue française où j’ai du fuir la violence et la haine. Mais ça, je ne l’ai pas trop raconté à ceux qui m’ont accueilli ici. Ici, au Ghana où tout me semblait facile par les médias en France. Je baragouine un peu la langue du pays mais je ne dis pas d’où je viens. Il risquerait de me renvoyer chez moi, où je me ferai tuer à l’arrivée. Mais ça ils ne comprennent pas. Surtout ils ne veulent pas me croire. J’ai une carte d’identité mais ils disent que c’est un faux. Le pire, c’est qu’ils me font douter. Mais non, je m’appelle bien Dylan Capritain et j’ai 15 ans. Pour eux, j’ai bientôt 18 ans. A croire qu’ils cherchent un prétexte pour me mettre à la rue. Je ne demande qu’une chose, servir à quelque chose, être utile et m’en sortir. Heureusement, je suis dans un foyer où les éducateurs se démènent à fond. Je ressens leurs impuissances car les politiques nous baladent de droite à gauche, et de plus en plus bas. Et tout ce que j’ai enduré ? Je ne peux qu’en parler au chat du foyer. Enfin, j’exagère un peu. J’ai déjà raconté mon histoire aux éducs, à mes potes mais ils ont du mal à écouter. C’est tellement énorme, invraisemblable. Surtout ma traversée de la méditerranée et du désert pour arriver jusqu’au Ghana.
Le plus dur, c’est d’être accusé de tous les maux alors que je n’ai rien fait. Un vol au foyer ? Tout de suite, on me soupçonne. Un tag injuriant sur le mur de mon lycée. On me regarde de travers. Quand je vais dans le bus, je sens mes voisins tenir leurs poches et être méfiant.
Bref, avec ma gueule d’étranger, je n’inspire pas confiance. Un blanc parmi les noirs, ça fait tache. Et pourtant, je ne suis pas complètement blanc. Je suis bronzé par ma mère. Mais ça, ils ne l’entendent pas. Alors, j’essaie malgré tout de monter le meilleur de moi-même malgré des angoisses qui me prennent la gorge et la poitrine, la nuit. Parait que je fais une mauvaise tête le matin. Je ne dis pas à mes voisins d’infortune du foyer que je rêve toujours la même chose. Le cauchemar qui a précipité mon départ de France. La colère que j’ai ressenti et une énorme tristesse. Mais ça, peuvent-ils le comprendre. Heureusement, j’arrive à écrire sur mon cahier de brouillon que je cache dans mes affaires, dans une petite malle fermée à clé. On m’a donné la possibilité de protéger mes secrets. Au moins, c’est un point positif.

( A suivre…)

Journal à mon père inconnu – 1

Dimanche 15 juin.

Enfin, je t’écris Papa. Je m’appelle Rami si tu te souviens. Mon nom de famille ? Je ne sais pas. Maman s’est mariée quatre fois. Tu as disparu de la nature avant que je naisse, il y a 14 ans. Je n’ai jamais entendu parler de toi. Si je pose la moindre question à ma mère, elle me fout une torgnole. Alors, je ne dis rien. Je suis content de prendre le temps de t’écrire sur un petit cahier que j’ai reçu d’un de mes profs. Il fait sombre dans le salon. Tout le monde dort sur les matelas en mousse. Je suis sur le rebord de la fenêtre et je suis éclairée grâce au projecteur qui éclaire toute la rue. Nous habitons dans un immense immeuble. J’ai une superbe vue sur des usines qui crachent du feu, jour et nuit. Aujourd’hui, je me suis allé balader avec mon petit frère Loufi dans un terrain vague. Nous avons joué avec des morceaux de ferrailles, des pneus où l’on s’amuse à sauter dessus. C’était géant. Loufi a cassé des vitres d’une maison abandonnée à l’aide de briques. On s’est fait engueulé et nous avons beaucoup ri.

Mais ce soir, je t’écris car j’ai mal au ventre et en haut de mes jambes. Cela dure depuis des jours mais je ne dis rien à ma mère. Elle te traite souvent d’hypocondriaque. Je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire mais j’imagine. Pour elle, c’est de la comédie pour ne pas aller à l’école. De toute façon, l’école, je n’arrive pas à suivre. Je suis trop fatigué. Je suis souvent fatigué et mes nuits sont agités. C’est-à-dire que je fais régulièrement des cauchemars. Parfois, j’ai une boule qui me reste dans la gorge. Je parle très peu et pourtant, je ne me débrouille pas trop mal à l’écrit. La preuve, je prends du plaisir.

Papa, j’essaie de t’imaginer. Tu dois être noir. Puisque Maman est blanche et moi, je suis brun. Loufi est blond, son papa était suédois, le troisième de maman.

J’imagine que t’as dû être un héros. Comme Maman serait tellement jalouse de toi qu’elle voudrait complètement t’oublier. Enfin, je voudrais rêver que tu sois un homme énorme, puissant. T’imaginer me permet de rester debout. Ma mère ne s’occupe pas vraiment de moi. Je suis juste bon à l’accompagner au marché et porter les lourds sacs, à faire le ménage et à m’occuper de Loufi.

Je vais te laisser Papa. Je m’endors. Demain matin, Maman doit nous emmener chez le médecin pour mon petit frère. J’en aurai bien besoin aussi.

 

( A suivre…)