Etre un papa sourd parfait ?

Bonjour à chacune et chacun

Après mon article « Etre un père parfait ?« , je souhaitais vous partager mon expérience de père sourd. C’est évident, je suis loin d’être parfait. Personne n’est parfait et c’est tant mieux. Quel ennui si tout était dans la perfection, n’est-ce pas ?
Je n’ai pas à être parfait mais à faire de mon mieux, avec les outils que j’ai à disposition (Lectures de livres, discussions et échanges d’expériences avec des amis etc.).
J’apprendre à être père tous les jours, sourd ou pas. Alors bien sûr je précise, je parle en tant que sourd oralisant appareillé, ce qui n’est pas du tout le même quotidien qu’un sourd signant ou bien même un sourd appareillé mais qui a besoin plus d’aides techniques ou d’aide à la lecture labiale etc. Chaque personne sourde s’adapte et adapte son environnement en fonction de ses besoins.
Pour ma part, je communique à l’oral avec ma famille (mère entendante et fille entendante).

Au passage, j’ai fait une carte mentale pour montrer la diversité du monde des sourds :


Est-ce que ta surdité te joue des tours ?
Bien sûr, c’est plus drôle. Cela pimente mon quotidien avec des malentendues, des quiproquos. On peut avoir des fous rires quand je répète un mot qu’il me semblait avoir entendu.
« Mais non, Papa, ce n’est pas ce que j’ai dit »
Effectivement, il peut y avoir des tensions liés à la fatigue. Mais c’est pareil pour tout le monde. Et pourtant, ma surdité m’apporte une certaine intolérance au bruit, et surtout cris aigues. Tout est exacerbé. C’est pour ça que je savoure encore plus les silences et que j’admire plus ma fille quand elle dort.
Même si parfois, je ne comprends pas tout ce qu’elle dit, je peux la comprendre au niveau non-verbal car elle est très expressive. Je ne sais pas de qui ça vient. Puis elle parle assez fort, comme euh…. son père. Un peu trop même. On s’entraine à poser notre voix et à parler calmement, au grand bonheur des oreilles de ma femme. On essaie d’instaurer un cadre calme car elle crie beaucoup hélas. C’est de son âge et c’est juste un passage délicat à prendre avec patience et diplomatie. J’entends très bien avec mon appareil auditif… enfin tout est relatif bien sûr. Quand « j’entends du silence », je préfère vérifier si tout se passe bien et généralement, elle fait des expériences pas très jolies jolies :-D.
Cela arrive fréquemment que ma fille m’appelle et que je ne réponds pas. Quand ma femme est là, elle lui rappelle : « Papa ne t’entends pas, va le voir ». Et quand je suis seul avec elle, elle crie plus fort. Bon là, je l’entends ! Oups!

Et la langue des signes ?
Ma fille n’utilise plus qu’un seul signe : « S’il te plait ». Elle est complètement dans la parole. Je n’ai pas besoin que nous échangions en langue des signes puisque ce n’est pas ma langue maternelle. De temps en temps, je lui apprends l’alphabet, quelques signes d’animaux ou de couleurs. Mais sans plus. Plus jeune, elle a été initié au bébé signes et je pense que cela beaucoup aidé dans le langage par la suite.

Et ton appareil auditif ?
Elle fait bien attention même si elle est tenté de le toucher. Elle a bien compris que cela me servait à entendre donc elle n’y touche pas. C’est plus difficile avec mes lunettes mais ça c’est une autre histoire. Parfois, au réveil, elle prends mon appareil auditif posé sur ma table de nuit et me le tend pour que je le mette. Toujours très appréciable.

Et la nuit Vivien ?
C’est ma femme qui me reveille si besoin, pour que je prenne le relais. Elle me secoue l’épaule plusieurs fois et cela suffit pour me réveiller. Dans ce cas, je suis obligé de mettre mon appareil auditif et prends la suite. Et quand je suis tout seul ? J’ai un babyphone vibrant que je mets au poignet. J’ai rarement eu l’occasion de le mettre.
Et le matin, j’ai un réveil lumineux qui éclaire tout doucement. Pratique pour ne pas réveiller notre fille dans la chambre… si elle dort ! Pour le réveil lumineux, c’est juste un réveil que nous avions acheté à Nature et découverte à prix raisonnable.

Famille en duplo avec mon vrai appareil auditif 😀

Pour ceux qui seraient interessés par les aides techniques, voici quelques liens non exhaustifs :
– De bouche à oreille : https://dbao.fr/boutique/
– Deaco : https://www.deaco.fr/audition-473
N’hésiteze pas à en parler aussi à votre audioprothésiste ou bien à des centres d’information et de conseil sur les aides techniques.

Quels autres « sens » un « papa sourd » développe t il plus ?
Je dirai plutôt la vue. Je suis assez observateur c’est vrai mais c’est vraiment au cas par cas. Chacun compense en fonction de ce qu’il a appris ou avec expérience.

Je vous invite aussi à découvrir un autre témoignage par une maman sourde : https://www.mamannentendpas.fr/

Pour ceux qui ne connaissent pas la vidéo où j »évoque mes débuts de Papa, la voici :

Au plaisir de continuer à échanger avec vous et mettez vos témoignages dans les commentaires. Cela peut éclairer les entendants qui ne connaissent pas la surdité.

Etre un père parfait ?

Depuis presque 4 ans, j’essaie de faire mon maximum pour être un père parfait.
Toujours au taquet, toujours avec bienveillance et sans un mot de travers.
Toujours éveillé et répondant aux besoins de ma fille chaque minute, chaque seconde.
Toujours joueur et inventeur d’histoires, très calme et patient.
Toujours droit dans ses bottes, intraitable dans les lois de la maison.

Oh là, on se calme, hein ? Vous avez vraiment cru qu’un père pouvait être parfait ? Faut pas exagérer non plus.
Je reste humain malgré tout avec ma personnalité propre et mon histoire.
Je fais du mieux que je peux pour ma fille. Et j’ai le droit de me tromper, de me planter avec un mot de trop, une attitude pas approprié. Je n’ai pas à me culpabiliser si j’ai merdé. J’apprends à être père chaque jour grâce à ma femme, aux livres et bien sûr ma fille qui me déplace énormément.
Je progresse petit à petit et parfois, cela demande un sacré travail intérieur et de se réconcilier avec ce que j’ai vécu dans mon enfance. Ayant une tendance à l’impulsivité et hypersensible, j’ai beaucoup travaillé sur la distance face à une situation, surtout lors des colères ou des « bétises » de ma fille. Je suis responsable de mes émotions. (Révélation lue sur Emotions: enquête et mode d’emploi).
Sachant qu’un enfant est une éponge et qu’elle prend toutes les informations qui lui arrivent dessus, j’essaie de faire attention avec mes émotions et à ne pas les transmettre avec ma voix, mon regard, mes mots. L’enfant nous imite et les parents sont ses premiers modèles. C’est quand même une sacrée responsabilité. On dit bien que être parent, c’est un métier.
Je n’ai pas à faire porter le poids de mes émotions à ma fille, à ma famille. Si je suis en colère, il me faut l’exprimer certes mais autrement et seul !
Tenez, je vous offre ce lien qui m’a beaucoup appris : Parents, apprivoiser la colère, le travail d’une vie

Bref, si je souhaite que ma fille devienne une adulte bienveillance, il me faut être bienveillant.
Si je souhaite transmettre à ma fille des valeurs de solidarité, de partage, d’émerveillement, de respect, il faudrait aussi que je les vive moi-même. C’est une question de cohérence et d’honneteté. Je fais du mieux que je peux et j’ai le droit de passer le relais, de me reposer. Les grands-parents servent à cela, entre-autre, s’ils sont en forme bien sûr ou bien d’autres membres de la famille ou des amis qui comptent pour nous et en qui nous avons confiance.

– Mais Vivien, est-ce que ta surdité te gène dans ton rôle de père ?
(Je cherche une réponse, une vanne mais je ne trouve pas)
…. Hein ? Tu permets, je consacrerai une autre article sur ce sujet.
– Comment le gars se défile là !
Mais non, pas du tout ! Si jamais tu peux développer ta question, je suis preneur. (avis aux interessé.es, que cela ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd ou presque).

A très bientôt pour l’article : Un papa sourd parfait !

Joie d’un père

Je la contemple, ma fille.

Elle sourit comme une fleur

Toute innocente, sans artifices.

Je l’admire, loin des tracas du monde

Suspendu loin du temps qui passe.

L’émotion n’est pas loin.

Elle gazouille, joue avec ses mains.

Une merveille pour une éternité

Une vie à construire, la plus épanouie possible.

Même dans le silence, j’entends battre son cœur.

En toute simplicité, j’accueille ce qui advient

Là, et les soucis paraissent éphémères.

J’aime ces temps d’observations

Puis les moments de complicité

Où l’on s’observe tout simplement

Sans arrière pensée, sans jugements.

Comme c’est bon ces petits instants

A les goûter à chaque fois.

Mes colères contre l’injustice s’apaisent.

Mes tristesses disparaissent.

Je comprends un tout petit peu mieux.

Un petit bout bouleverse toute une vie.

Et ça continue chaque jour

Où l’inattendue nous guette toujours.

L’émotion m’étreint.

Joie profonde.

Je vis.

Elle vit.

Nous vivons

L’image du père

Le père, qu’en est-il de sa place au sein de la famille, dans la société d’aujourd’hui ?

Quelle image du père se représente-t-on souvent ? Y a-t-il un père idéal ?

Cela peut-aussi nous questionner en tant que père. Quelle image je veux donner à mes enfants ?

Ce que nous transmettons, c’est notre histoire personnel, nos valeurs, notre vécu, notre éducation. Sans le vouloir, on reproduit les mêmes gestes ou sinon, c’est l’inverse parce que le père que nous avions était maltraitant dans tous les sens du terme (Physique, psychologique, sexuel).

Nous pourrions avoir peur d’être peur car c’est une énorme responsabilité. Elle implique d’insuffler la vie, de l’accompagner et de lâcher-prise sur ce que nous avions transmis pendant des années.

Quand je serai père

Je n’ai pas d’enfants mais je peux ressentir ce que ça pourrait être d’être père. La joie de la paternité quand c’est voulu, choisi en couple bien sûr. Quand je suis avec des enfants comme mes neveux, nièces, je me projette et agis comme j’agirai avec mon futur enfant. Avec tendresse et justesse, apporter un cadre sécurisant et vivre au quotidien l’épanouissement de l’enfant. J’ai bien conscience des revers de la médaille avec les nuits troublés, les inquiétudes, les agacements, les impatiences.

Je ne souhaiterai jamais lever la main sur un enfant et faire attention aux mots qu’on emploie. J’ai bien conscience des séquelles qu’il pourrait y avoir.

Mais mon rôle de père que j’imagine aurait vraiment sa place quand la mère est aussi présente. Surtout quand le couple dialogue, trouve un équilibre dans les rôles de chacun pour apporter des repères plus cohérents et ajustés envers l’enfant. Y peut y avoir des loupés. L’essentiel, c’est d’en parler et de ne pas avoir honte.

C’est bien sur l’idéal sur lequel je tends et pour cela, il faut un travail sur soi. Le pire ennemi pour accomplir ce que l’on souhaite c’est soi-même.

 

La fragilité du père

Je pense à la situation des pères qui sont dans une situation difficile tell que le chômage. Surtout le chômage. Le père pourrait se sentir humilié, honteux de ne pas pouvoir rapporter de l’argent à la maison, de ne pas pouvoir se rendre utile.

Est-ce que sa légitimité paternelle est remise en cause ? Je ne parle pas du paternalisme qui est complètement l’extrême.

J’ai en mémoire un père qui se sentait indigne d’être père car il n’avait plus d’argent, plus de cadeaux à offrir à ses enfants. C’était lors de mon premier stage d’éducateur spécialisé en MECS. (Maison d’Enfants à Caractère Social) en 2004. (Gloups, 11 ans déjà).

 

Y aurait encore à développer, à dire, à peaufiner.

 

L’amour paternel

J’aimerai finir sur la question de l’amour paternel. Elle n’est possible que si l’homme en a déjà fait l’expérience dans son enfance, ou vécu des rencontres d’amour, de confiance, d’amitié etc…

Je reconnais que c’est un peu raccourci mais c’est dans l’idée que l’Amour est essentiel pour tisser des relations de confiance. Cela marche en général aussi partout en dehors de la paternité.

 

Je nous souhaite d’être bien dans son rôle de père, peu importe si on est père géniteur ou père adoptif. (C’est aussi un long cheminement, de questionnement quand on ne peut pas être père géniteur).

Des liens pour approfondir la question :

 

 

 

 

 

Humide, je vous dis!

Humide, je vous dis ! Humide. Il pleut des trombes d’eaux. Il pleut des cordes même. It’s raining cats and dogs. J’aboie de rage dans mes pensées. Je regarde les gouttes s’agglomérer sur la vitre. Puis j’entends une voix sèche : « T’es touché, Papa ». « Pas encore coulé, fiston ». Et pourtant je sens que je suis mouillé, trempé jusqu’au cou dans cette affaire. Je n’aurai pas dû dire oui. D’un ton glacial, mon fils me lance : « Papa, on joue ! C’est à toi ». Je lance un G7. Plouf. Je prends ma décision de dire non. Je ne veux pas que ma famille soit noyée dans cette affaire. Elle compte trop pour moi. Ma femme me remerciera chaudement, je le sais. Elle sera fière de moi. Et voici que mon fils a coulé tous mes bateaux. J’ai perdu une bataille mais pas la guerre. Je téléphone à mon patron et je lui signale que je refuse d’entrer dans son projet d’offshore. Licencié. Mais je suis libre. Soulagé, je reviens vers mon gamin de 11 ans et je m’apprête à mouiller mon maillot pour jouer avec lui. J’aurai ma revanche. Il me fait un grand sourire car il a bien compris que j’étais plus disponible et tout à lui à cet instant.

Journal à mon père inconnu – 3

Vendredi 18 juin

Je n’ai plus mal Papa. Je vais mieux. Je peux t’écrire. Maman n’a pas réussi à me tuer. Je suis sûr que c’est toi, quelque part qui m’a protégé. Tu dois penser à moi pour que je réussisse à vivre. Je respire doucement, allongé à moitié sur mon lit d’hôpital. Je suis heureux de pouvoir t’écrire. Soulagé d’être loin de la maison. Ici, je suis en sécurité. Les infirmières sont très gentilles dont une très mignonne qui change mes pansements. Mes jambes sont dans le plâtre. Je ne pourrai pas marcher avant longtemps. Mais je remarcherai, ça c’est sur et j’irai à ta recherche. J’irai vivre avec toi. Pour l’instant, il me faut être soigné. C’est étrange, je ne suis plus en colère. Peut-être que je suis loin de ma « famille ». Un de mes potes, Phil, est venu me voir avant que je t’écrive. Il m’a apporté pleins de BD et une grande carte avec pleins de signatures. Je me sens moins seul. Merci Papa…. Je reprends vite mon stylo pour te dire que deux clowns viennent me rendre visite. J’ai accepté leurs venues. Je te raconterai ça.

 

( A suivre….)

Journal à mon père inconnu – 1

Dimanche 15 juin.

Enfin, je t’écris Papa. Je m’appelle Rami si tu te souviens. Mon nom de famille ? Je ne sais pas. Maman s’est mariée quatre fois. Tu as disparu de la nature avant que je naisse, il y a 14 ans. Je n’ai jamais entendu parler de toi. Si je pose la moindre question à ma mère, elle me fout une torgnole. Alors, je ne dis rien. Je suis content de prendre le temps de t’écrire sur un petit cahier que j’ai reçu d’un de mes profs. Il fait sombre dans le salon. Tout le monde dort sur les matelas en mousse. Je suis sur le rebord de la fenêtre et je suis éclairée grâce au projecteur qui éclaire toute la rue. Nous habitons dans un immense immeuble. J’ai une superbe vue sur des usines qui crachent du feu, jour et nuit. Aujourd’hui, je me suis allé balader avec mon petit frère Loufi dans un terrain vague. Nous avons joué avec des morceaux de ferrailles, des pneus où l’on s’amuse à sauter dessus. C’était géant. Loufi a cassé des vitres d’une maison abandonnée à l’aide de briques. On s’est fait engueulé et nous avons beaucoup ri.

Mais ce soir, je t’écris car j’ai mal au ventre et en haut de mes jambes. Cela dure depuis des jours mais je ne dis rien à ma mère. Elle te traite souvent d’hypocondriaque. Je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire mais j’imagine. Pour elle, c’est de la comédie pour ne pas aller à l’école. De toute façon, l’école, je n’arrive pas à suivre. Je suis trop fatigué. Je suis souvent fatigué et mes nuits sont agités. C’est-à-dire que je fais régulièrement des cauchemars. Parfois, j’ai une boule qui me reste dans la gorge. Je parle très peu et pourtant, je ne me débrouille pas trop mal à l’écrit. La preuve, je prends du plaisir.

Papa, j’essaie de t’imaginer. Tu dois être noir. Puisque Maman est blanche et moi, je suis brun. Loufi est blond, son papa était suédois, le troisième de maman.

J’imagine que t’as dû être un héros. Comme Maman serait tellement jalouse de toi qu’elle voudrait complètement t’oublier. Enfin, je voudrais rêver que tu sois un homme énorme, puissant. T’imaginer me permet de rester debout. Ma mère ne s’occupe pas vraiment de moi. Je suis juste bon à l’accompagner au marché et porter les lourds sacs, à faire le ménage et à m’occuper de Loufi.

Je vais te laisser Papa. Je m’endors. Demain matin, Maman doit nous emmener chez le médecin pour mon petit frère. J’en aurai bien besoin aussi.

 

( A suivre…)