Un animateur en EHPAD #9 Contrat prolongé, Solitude et impuissance

Comme c’est dit dans le titre, mon contrat a été prolongé. D’un mois, plus exactement. Mon remplacement navigue donc à vue sans possibilité de faire de grands projets. Mais je suis injuste. J’ai pu faire acheter l’application WIVY pour l’établissement. Un kit d’animations et un juke-box/ karaoké sur une tablette, facile à faire en individuelle. Je m’en sers tout le temps maintenant et je suis encore plus disponible pour les résidents. Cela m’évite de perdre du temps à concevoir des animations. J’acquiers une plus grande liberté de présence auprès de résidents qui souffrent de solitude.

Même si la personne a des soins, des services de repas et de toilettes, cela n’est pas suffisant pour elle pour pimenter son quotidien. Parfois la télévision est branchée. Et d’autres chambres, d’autres personnes regardent un mur jonchés de photos de familles (Ou pas). Pas facile de faire face aux personnes qui me confient leur ennui, ou du fait qu’ils ne savent plus où elles sont. Une impuissance peut s’incruster dans notre pratique d’animateur. Quand je peux, je prends un temps d’écoute, d’échanges. Et en fonction de la personne et de la situation, je fais de l’humour. Impuissance aussi quand la personne souffre et attends qu’une infirmière vienne la soulager. Cela fait partie aussi du quotidien. C’est sûr, c’est pas une crèche où ça braille, ça vie, ça joue ! Dans les couloirs, le silence peut devenir pesant. (Des cris peuvent surgir aussi !)

Quand l’inspiration me vient, je pousse une chansonnette !
Et quand j’ai le temps je mets de la musique de guinguette!
Quand je passe furtivement, je marche à pas de loup malicieux
En saluant discrètement, d’un air point irrévérencieux !

Promis, je vous raconterai ce que je fais comme type d’animations la prochaine fois 😀
Très bonne semaine à vous !

Douce silence

Loin de la foule, loin de la ville,
Dans le silence, Je m’y faufile.
Reprendre sens et se recentrer.
Respirer et se laisser déconcentrer
Par les bruits de la nature, subtils.
Se laisser porter et laisser le futile.
hâte de reprendre la marche et errer,
Vagabonder et s’émerveiller, rêver.
Se laisser transporter par la joie,
Douce silence, point grégeois.
Divine sérénité pour revenir
Disponible auprès des siens et rire.

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Gaspard ou de l’importance du lien

Complètement seul. Il a envie de crever sur son banc.

Il lorgne les couples, des groupes d’amis éclatant de rire

Passant non loin de lui, ignorant ce qu’il est.

Dans sa piaule, il se gèle à cause des trous dans les murs.

Gaspard a coupé les ponts avec sa famille. Il est en colère.

En colère contre le monde surtout contre sa maladie qui le ronge.

Plus de boulot. Plus de droits. Des dettes à n’en plus finir.

Il fuit les associations pour ne pas voir des pitiés, de la mièvrerie.

Il marche souvent sur les berges du Rhône où l’eau semble l’appeler.

C’est ainsi qu’un soir, il tombe à l’eau. Il ne sait pas nager.

Ses vêtements encrassés l’emmènent vers le fond. Il se laisse aller.

Puis soudain, il sent qu’on le ramène à la surface. Il se débat.

On lui parle mais il hurle de colère. Une gifle le secoue sec.

Désorienté, il entend une voix cingler sa tête :

« Ce jeune a risqué sa vie pour vous sortir de là ».

En ouvrant bien ses yeux, il aperçoit un jeune au teint marron

Et aux yeux bleus, complètement trempé.

Il est surpris par son regard. Un regard non jugeur, juste surpris.

Il entend des sirènes. Des voix s’approcher.

Il se sent pris dans un tourbillon de honte. Une émotion jamais connue.

Une autre traverse son esprit. De la reconnaissance.

Sa colère a complètement disparu dans les profondeurs du Rhône.

Son sauveteur s’approche de lui : « Bon courage. Je suis avec vous. Je m’appelle Khalid ».

Gaspard murmure son prénom et bredouille de confusion.

On l’allonge sur une civière après l’avoir débarrassé de vêtements inutiles, trempés.

Une couverture de survie l’enveloppe.

Khalid était encore là ainsi que le gars qui l’avait engueulé.

Le Samu l’emmène à l’hôpital.

Hospitalisation. Prise en charge. Une infirmière prend soin de lui.

 

Le lendemain, Khalid est venu le visiter.

Des amis de ce dernier sont aussi venus.

Echanges interminables.

Puis il est sorti et a été accueilli dans la famille de Khalid.

Une énorme solidarité. Il se sent revivre.

Ils sont même venus retaper son appartement.

Son corps lui fait moins mal et repense à sa femme

Qui l’a quitté y a deux ans.

Il se souvient de son numéro de portable.

Il emprunte le téléphone de Khalid.

Retrouvailles. Un autre type de relation.

Une communication plus juste et vraie.

Les liens se solidifient. Il a envie de se battre

Pour sa femme et ses nouveaux amis.

 

6 mois après, il a trouvé un boulot de magasinier.

Un pur bonheur. Il en est fier.

Il sait que rien n’est plus important que de garder de bonnes relations.

De rester en lien, d’être connecté à ce qui fait sens à sa vie.

Que t’offrir pour Noël ?

Qu’est-ce que je pourrais t’offrir pour Noël ?

Un peu de ma présence et beaucoup de rires.

Un cadeau qui te correspond et te rejoint.

Un regard où tu te sens reconnu dans ce que tu es et ce que tu vis.

Que pourrais-je t’offrir avec mes limites et mon caractère ?

Deux oreilles pour te sentir entendu dans tes joies et misères.

(Même si j’en ai qu’un qui fonctionne, elle en vaut deux quand même !)

Une bouche pour te réconforter et t’apaiser.

Des mains pour t’aider dans les difficultés de tes gestes ou déplacements.

Du nez pour t’élever en odeur d’humanité. (Un peu de poésie ne fait pas de mal).

 

J’aimerai bien t’offrir des poignées de paix

J’aimerai bien t’offrir des germes de liberté pour que tu puisses les arroser et les faire fleurir.

Te donner à manger et à boire quand ton corps est fatigué par la vie.

J’aimerai bien t’offrir des rêves à n’en plus finir

Juste pour oublier un petit temps les rudesses de la vie.

 

Viens donc te poser un instant pour rêver, savourer

Qu’une personne veille sur toi et que tu comptes pour lui.

Si ! J’en suis sûr qu’il y a un qui existe si ce n’est pas moi.

Je te souhaite ce cadeau, qu’on te le dise, que tu es important,

Que tu comptes pour quelqu’un et que tu en vaux la peine.

Viens prendre cet instant d’éternité de fête bien particulière.

 

Que malgré les tensions, les peurs, les angoisses du moment,

Je te souhaite une joyeuse fête de Noël avec des yeux qui pétillent.

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Ne reste pas seul !

Tu galères. Tu en baves.

Que tu sois vieux.

Que tu aie un handicap ou une maladie.

Tu n’es pas seul.

Même si les souffrances ne peuvent pas se comparer,

Des personnes peuvent te comprendre et t’écouter.

N’oublie pas qu’il y a toujours quelqu’un qui pense à toi,

Qui ne souhaite que ton bonheur.

N’oublie pas. T’es jamais seul dans la galère.

Malgré la fatigue, les douleurs incessantes,

N’oublie pas de sourire une fois dans la journée.

N’oublie pas de dire des mots à quelqu’un.

N’oublie pas de rêver malgré tout.

Fixe toi des petits objectifs et faire un premier pas.

Le premier pas est toujours important.

Chaque chose en son temps.

Si tu peux, lis des textes qui peuvent te réconforter.

Ne t’enferme surtout pas sans cesse dans tes souffrances.

Essaie de ne pas tourner en rond pour pouvoir respirer.

Tu n’es pas seul et ne reste pas seul.

Juste un petit coucou, gratuitement

Soit par mail, par texto, par téléphone

Ou de visu dans la rue, dans les couloirs.

Essaie de ne pas t’isoler.

Ne reste pas seul trop longtemps.

Montre-nous que tu existes

Et pas seulement par tes souffrances.

Tu existes aussi par tes talents, tes rêves,

Par ce que tu es toi, tout simplement.

Alors, ne reste pas seul.

Existe, tu vaux toujours la peine d’être reconnu et entendu.

Where are you going? Où va tu? ¿a dónde vas?

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Où aller                                                         Where to go                                              Adónde ir

Quand le doute survient?                 When the doubt is occuring?         Cuando surge la duda?

A qui parler                                                 Who to tell to                                         Quien poder hablar

Quand l’angoisse vient?                       When anxiety came?                     Cuando la angustia viene?

A l’aide!                                                          Help!                                                      Ayuda!

Solitudes

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Terrible la solitude quand personne ne peut comprendre.

Terrible même si l’on se sait entourer, et pouvoir se faire entendre.

Déboussolant quand les angoisses prennent à la gorge

Face aux blessures, face aux fragilités qui se rengorgent.

 

Sentiment de désert profond

A l’âme desséchée sans fond.

Une chute vertigineuse

Pour une immobilité nauséeuse.

 

Mais quoi ? Tenter d’espérer contre tout ?

Oser se délester et pleurer sans honte ?

Attendre que ça passe comme un vieux matou ?

Vite de l’air et que s’amorce les fontes.

Les fontes de colère, de tristesse, de rancœurs,

Et cette terrible solitude qui touche en plein cœur.

 

Venez les mots pour souffler au grand Ciel

Et étendre le bras pour crier tout le fiel

Vers les contrées d’inconnu, d’incertitude.

Puis marcher en confiance avec certitude

Que peut-être l’on peut trouver une source

Et croire que l’on peut y arriver, en course

Vers un horizon plus apaisant, sécurisant.

Viens ma solitude pour être énergisant

Et cueillir un petit sourire imprévu.

Le petit Gulliver

Sur le rebord d’une fenêtre,

Rêvait un petit être

Avec une veste et des guêtres.

Il envoyait paître

Son ombrelle noire

Sur la vitre du soir.

Avec son chapeau de velours,

Il en faisait un abat-jour

Et éclaira son visage

Meurtri par les voyages.

Il s’appelait Gulliver.

Un comble pour un nain vert

Lui qui songeait à grandir

Avec ses pieds de cire.

Alors il se met à imaginer

Tel un géant au gros nez

Franchissant avec merveille

Les abîmes du sommeil,

Gravissant avec panache

Les sommets des vaches.

Mais Gulliver se réveillait

Parcourant ses papiers,

Relatant ses périples lointains.

Pour se noyer, il prend du thym

Et en fait de l’alcool très fort.

Il boit pour ne plus boire

Ses souvenirs du dehors

Et pour ne plus avoir d’espoir.

Soudain, une goutte d’eau

Heurta lourdement son dos.

Un parfum de rose se dégagea

Et une silhouette se dévisagea.

Une petite fée

Toute décoiffée

S’approcha sans tarder

De Gulliver hébété.

Ce dernier brisa la vitre

Avec son vieux pupitre

Et s’envola tout en riant

Avec la fée en criant

Les milles amours

Pour toujours.

 

Extrait de « Murmures de la brousse sénégalaise, Copyright VL