Etre un père sourd

Etre père, c’est déjà un métier chaque jour. C’est parfois une évidence que nous oublions. Même si je m’étais préparé, en échangeant avec des amis, en lisant des livres sur la parentalité positive, la réalité du terrain est tout autre.

Je me souviens qu’à l’arrivée de ma fille, je m’étais surpris sur ma capacité à être patient. J’avais de la chance, elle faisait ses nuits et je ne stressais pas quand j’éteignais mon appareil auditif. J’avais une baby-phone en or : ma femme.
Ma surdité n’était pas un  problème puisque la communication avec ma fille passait par le regard, les gestes. Au fil des mois, elle a apprit des signes à la crèche, avec sa nounou. Pour info, elle entendait très bien. Même maintenant, faut faire gaffe à ce que l’on dit, même en chuchotant.

J’avoue quand ma femme s’absente, même avec un baby-phone vibrant, je ne suis pas tranquille. Je mets mon appareil auditif pour la nuit mais je dors très mal. Ce qui est souvent dommage car elle dort bien, et je suis crevé quand elle se réveille toute fraîche, toute vive.

En restant dans le domaine de la surdité, ce qui me cause soucis et me fait mal aux oreilles, ce sont les cris qu’elle fait. Certes, pour les entendants, c’est désagréable mais pour moi, avec un appareil auditif, c’est comme une craie crissant sur un tableau. Même en éteignant mon appareil, ce qui est rare, je l’entends. Son cri dépasse les 80 décibels.

Sans rien vous apprendre, un enfant, quand ça joue, c’est bruyant. Et le bruit, pour un sourd appareillé, c’est deux fois plus fatiguant. Je pourrai couper mon appareil mais je fais le choix de ne pas le faire pour être vigilant et être sur que tout va bien. Bien sur, la vue peut arranger beaucoup de choses. Je vais vérifier de temps en temps. Parfois, le silence qui dure est très mauvais signe (A part si elle s’est endormi, bien sûr). Puis être à l’affût si elle m’appelle.

Alors quand nous sommes fatigué par le travail, épuisé ou bien malade, avec des douleurs en permanence, c’est plus difficile d’être patients, d’être à l’écoute. Normal, je ne suis pas un super papa. Je suis humain comme tous les autres papas. Je fais comme je peux et on se passe le relais quand ça devient difficile. C’est pour cela que c’est important d’avoir des amis, de la famille. De pouvoir compter sur des personnes pour se reposer un petit temps.

Y en a sans doute qui y arrivent mais nous sommes pas tous égaux pour répondre aux besoins de l’enfant, en fonction de leurs âges. Chacun est plus à l’aise avec des petits et d’autres, non. Et inversement. Là, ma fille a bientôt trois ans. C’est un sacré cap de la vie d’un enfant où l’on passe de supers moments de complicités et des moments de frustrations énormes pour l’enfant. Ce n’est qu’un passage. J’en bave personnellement avec ses cris perçants. Cela me donne des maux de crâne.

Heureusement, je me régale à l’entendre jouer, à l’entendre parler, à commencer à raconter des histoires avec ses peluches. La cerise sur le gâteau, c’est quand elle chante. C’est sûr, ce n’est pas de moi que ça vient. De son père, c’est surtout les mimiques et ses gestes pour exprimer sa joie et son désaccord.
Bref, comme je suis très expressif, il me semble, elle est aussi très expressive.
Je ne vous apprends pas, les enfants sont des éponges. Nous veillons au maximum que l’ambiance de la maison soit sécurisant pour elle. Mais facile à dire qu’à faire.

Un truc que j’ai mal à contrôler du fait de ma surdité, c’est la force de ma voix. J’ai tendance à parler fort et surtout à prendre des tons inappropriés. Je m’en rends compte en fonction de la réaction de ma fille. Quand ma femme est là, elle n’hésite pas à me le dire. faut une sacrée dose d’humilité pour se faire remettre à sa place de manière juste, même si c’est involontaire.

Je lui ai appris à ne pas toucher à mon appareil auditif. Elle en a bien conscience même ça lui ait déjà arrivé de me l’arracher sur le coup de la colère. Une seule fois en trois ans! L’année dernière, elle s’amusait à mettre des objets dans son oreille pour avoir un appareil comme son père. Elle faisait cela avec des bouts de mouchoirs et même des mies de pain.

Et la langue des signes ? Elle l’utilise parfois quand je n’ai pas compris une demande. C’est très rudimentaire bien sûr. Quels signes utilisent-elle ? Gâteau (son premier signe), encore, s’il te plait, merci, jouer, chocolat, peur, danser.

Bref, je suis avant tout un père qui s’ajuste chaque jour, qui fait au mieux, peut faire des erreurs. En gros, toute une vie pour grandir en tant que père avec mes spécificités.

Survie dans un taudis

Il fait froid et humidasse.

Jimmy tente de se réchauffer.

Les murs sont très mal isolés.

Un courant d’air désagréable se faufile sous la porte d’entrée.

Les moisissures prennent leurs aises dans les recoins de la salle de bains

Et de la cuisine.

Il voit la vaisselle s’accumuler. Il n’a pas le temps.

Il veut fuir de son studio pour aller au travail.

Son studio ? C’est plutôt un cagibi ouvert aux fantômes.

Aux mauvais esprits qui encombrent ses pensées.

Jimmy aimerait bien prendre le temps de réfléchir

Mais comment ? L’Esprit financier le tourmente.

Il a peur de ne pas finir le mois.

L’Esprit de la faim le guette à tout moment.

L’Esprit de la santé a pris ses vacances.

L’Esprit de la soif l’enveloppe parfois

Quand il ne peut plus payer l’eau.

L’Esprit d’Amour a fait ses valises pour un temps

Car il est trop encombré par ses esprits qui le fait plier de douleurs, parfois.

Mais l’esprit d’Espérance est toujours là, discret malgré tout.

Jimmy ne chancèlera pas, il ne veut pas finir dans la folie.

Il le pourrait avec sa solitude dans ce taudis.

Il cache sa détresse à ses collègues de travail.

Ils ne le savent pas. Il a trop honte.

A quoi bon ? On le considère comme un travailleur modèle.

Il ne veut pas briser ce mythe.

On verrait une incohérence entre ce qu’il vit chez lui et à son boulot.

Il ne voudrait pas être rejeté, renié, trahi.

Son travail, c’est ce qu’il aide à tenir.

Alors il ne peut pas se permettre de ne plus avoir d’emploi.

L’esprit du désespoir pourrait pointer ses gros sabots.

Que vaudrait alors sa vie ?

 

Le mal-logement n’est pas une fatalité. Chaque homme, chaque femme, chaque enfant devrait vivre dignement, avec un minimum de confort.

Est-ce que l’homme, accaparé par tant de soucis ou qui vit dans l’inconfort permanent, peut prendre le temps de réfléchir, de débattre et penser à l’avenir de son quartier, de sa ville, de son pays ou de sa planète ? Tout dépend de ses priorités.

Le langage de Sophie

Dans l’accompagnement des jeunes, elle s’évertue à employer un certain langage. Un langage qui lui a beaucoup demandé d’effort sur elle-même. C’est surtout pour mieux appréhender le monde avec un autre regard, un regard plus juste et plus près de la vérité.

La négation a disparu des pensées de Sophie. Les limites, pour elle, sont des cadres et ce qui est interdit sont juste des balises qui demandent de l’attention, de la réflexion.

Ensuite, elle essaie de tout positiver. Les échecs sont des tremplins.

Les non deviennent des stop. Elle essaie d’établir des relations positives avec chaque personne et de proposer un cadre qui peut amener un comportement positif. Surtout elle s’emploie à relever 4 fois plus de qualités si elle a dû nommer un élément négatif. Elle valorise toujours le jeune devant ses pairs et ses collègues. C’est une manière de construire un projet qui ait du sens et porteur d’espoir, d’avenir.

Elle fait le maximum pour être objectif et de ne pas porter de jugements. C’est un vrai challenge qu’elle prend. Elle tente aussi de prendre soin d’elle-même pour être plus disponible aux autres, pour minimiser les luttes de pouvoirs et d’établir des liens positifs envers ses jeunes et ses collègues.

Evidemment Sophie ne vit pas dans un monde parfait et elle est souvent en confrontation avec des collègues impulsifs, qui se moquent d’elle, qui ont une toute autre vision de l’éducation.

 

Et vous ? Qu’en pensez ? Avez-vous essayé d’avoir une attitude bienveillante, sans hypocrisie bien sur. Ce n’est pas de la bienveillance de guimauve. L’attitude peut être aussi ferme pour un cadre qui a été dépassé. Vous avez des expériences à nous partager ?