Super Educ

Regardant sur son écran, il voit d’un seul coup d’œil toutes les positions des jeunes qu’ils accompagnent. Il écrit quelques mots sur sa tablette pour le compte-rendu d’un projet personnalisé. Un assemblage de photo, de travaux apparaissent sur le côté qu’il peut inclure facilement en résumé.

Il sort un dossier d’un jeune. Il pose sa main et se retrouve direct devant sa chambre. Il sort sa machine mesurant la température de la pièce. Le jeune semble calme et prêt à le recevoir. L’éduc frappe à la porte. Le jeune l’ouvre. Discussions sur le projet du tournoi d’ultimate frisbee.  Fin de l’échange puis redescend en une seconde au bureau grâce à sa clé en étain magnétique.

Musique de rock-n’roll. Elle annonce le repas. Chaque jeune a déjà pris sa place habituelle après être lavé les mains. Un jeune attitré amène les plats. L’éduc le met sur un robot qui fait le service de manière très délicate avec un air de métal-punk.

Un des jeunes s’agite et se met en colère contre son voisin. L’éduc le regarde. Il murmure à peine que la voix pénètre doucement dans la tête du jeune. Echange télépathique sans que ça gène le reste du groupe.

Le robot revient sur une musique de rap. Les jeunes comprennent qu’il faut débarrasser. Assiettes enlevés. Nettoyage des tables. Deux jeunes s’occupent de la machine à laver et sécher la vaisselle en une minute. Ensuite, ils se retrouvent dans le salon pour regarder un court-métrage de 30 min en 3D, puis prennent un temps calme autour des BD, livres ou albums photos. Le coucher se déroule difficilement car un jeune pète les plombs. Il ne retrouve plus sa chambre qui a disparu. Un autre a fait une blague en l’effaçant du plan d’évacuation. L’éduc remet les choses dans l’ordre après avoir âprement discuté avec le fautif. Ce dernier redessine la chambre qui manque. Tout redevient à peu normalement. L’éduc reçoit le veilleur qui va prendre le relais. Echange d’infos tout simple.

Super éduc a géré comme un chef. Il sort du foyer puis se retrouve en clin d’œil dans son lit.

Cri et bruits de casse de vitre. L’éduc se réveille sur son bureau. Tout est en désordre. La porte vitrée est déglinguée par un jeune furieux.

Ce n’était hélas qu’un rêve.

La route d’Eddy – 5 et fin

Dans sa doche rouge et noire qu’il a bichonnée, il roule depuis une heure sur les routes provençales. Enfin, il arrive au village où il retrouvera enfin sa fille. Il gare sa voiture non loin des remparts en pierres blanches et grises. Il arpente quelques rues pour enfin arriver devant une grande maison avec une vue sur la vallée parsemée de champs de lavande et d’oliviers.

L’assistante sociale l’attendait au portail. Il est à l’heure.

Le portail en bois bleu s’ouvre. Un couple avec deux filles les attend dans le jardin, au seuil de la maison, sous un pin parasol.

Eddy reconnaît tout de suite sa fille. Il se souvient des photos de sa femme jeune et lui ressemble en tout point. Son cœur bat à cent à l’heure et l’émotion lui prend à la gorge. Mais il arrive à se contenir.

L’assistante sociale fait les présentations. Echanges cordiales et chaleureuses. Célia regarde son père avec curiosité et appréhension.

Eddy s’agenouille pour être à la hauteur de Célia, grande fille de 10 ans aux courts cheveux châtains frisés et aux yeux verts. Elle a des taches de rousseur sur tout son visage. La copine de Célia, Agathe, qui doit avoir la même âge qu’elle, s’accroche à elle.

Echanges de mots simples.

La mère d’Agathe invite chacun à s’asseoir autour de la table remplie de petits gâteaux et de bouteilles de jus de fruits.

Revenu chez lui, Eddy déborde de joie tant qu’il n’avait pas encore saisi l’importance de la rencontre durant son retour. Il se met dans son jardin avec un verre de jus de figue. Ses pensées se posent au fur et à mesure que le jour s’estompe. Il regarde les premières étoiles.

Aline, notre fille habite dans un magnifique endroit et la famille d’accueil est adorable. Elle est bien entourée et semble heureuse. Je ne pourrai pas la soustraire d’un lieu où elle a grandi. Si elle vient chez nous, elle sera toute seule dans un endroit inconnu, sans ses copines.

Bien sûr, je suis son père mais pour elle, je suis un inconnu. Pour l’instant, je vais aller la voir comme il est convenu un week end par mois. Puis quand elle voudra, nous passerons des vacances ensemble. C’est elle qui décidera si elle souhaite vivre à la maison. Je ne souhaite que le bonheur de ma fille. Je serai à sa disposition au téléphone si besoin, puis je pourrai subvenir financièrement à ses besoins pour l’école ou pour ses vacances. Je souhaite vraiment être le plus juste possible. Je ne veux pas l’étouffer… excuse-moi Aline, le mot m’est sorti comme ça. Tu m’as comprise, je pense. Cela prendra le temps qu’il faudra pour qu’elle revienne dans notre maison.

Les mois se sont écoulés et Eddy ne regrette pas son choix. Célia est épanouie et semble plus heureuse au fil du temps quand son père est là le week end. Quand ils se voient, Célia lui posent pleins de questions sur le passé de son père. Eddy ne lui cache rien et c’est réciproque.

Eddy se dit qu’il a beaucoup de chance et que c’est une récompense après ses années de galère, de remords et de solitude.

C’est à l’âge de 15 ans que Célia décide d’habiter chez son père, soit 5 ans après leurs retrouvailles. Elle se rapproche ainsi du lycée où elle retrouvera aussi sa copine d’enfance Agathe.

Aline, Nous voici réunis. Le temps a été nécessaire et la patience a eu du bon.

 

FIN

La route d’Eddy – 4

Le rendez-vous avec l’assistance sociale a été pénible. Eddy a dû revenir sur son parcours de réinsertion après ses 5 ans de prison pour homicide involontaire. Heureusement, il a découvert qu’il n’était pas déchu de l’autorité parentale. Première bonne surprise. L’assistante sociale ne lui a rien promis car c’est au juge de trancher. « Nous sommes obligés de mener une enquête sur votre vie actuelle ». Eddy s’y est soumis bien sûr.

C’est presque un retour en arrière avec des enquêteurs qui viennent visiter la maison, scruter les papiers, le budget d’Eddy. Ce dernier est confiant. Il a un poste stable de paysagiste avec un salaire correct qui lui permet de subvenir à ses besoins.

Longueurs des procédures juridiques. Multiplications d’entretien avec un psychiatre puis un éducateur spécialisé. Véritable marathon. Eddy tient bon en pensant à sa fille, en aménagement au mieux une chambre pour elle. Assez simple pour qu’elle-même puisse la décorer à son goût.

J’y arriverai Aline. Nous serons réunis tous les deux. Ta fille reviendra dans notre maison. Quelle image a t-elle de moi ? Sera-t-elle bien ? Acceptera-t-elle de vivre avec celui qui a tué sa mère ? Oui, je sais, je ne suis pas responsable mais quand même, c’est un poids.

Au bout de neuf mois de procédures, il attend une réponse par la poste. Un courrier recommandé. Assis sur son banc en bois qu’il a fait lui-même, il surveille l’arrivée du facteur. Trépignation. Une angoisse au ventre. Il respire doucement pour faire passer son stress. Il imagine tous les scénarios possibles. Non, stop, il ferme ses yeux et tente d’écouter ce qui l’entoure. Vigilance et disponibilité sur l’instant présent. Cela l’apaise. Chant d’un rossignol. Passage d’une voiture. Crissement d’une porte en ferraille rouillé. Sonnette de vélo. Eddy ouvre les yeux et voix le facteur. Le facteur, charmante femme rousse aux yeux verts, lui tend une lettre recommandé et un stylo. Signature. Remerciements.

La postière s’éloigne et Eddy regarde le courrier et n’ose pas l’ouvrir. Cela vient bien du tribunal. Grande respiration et tremblement. Il ouvre.

 

[….] Rendez-vous dans la famille d’accueil de Célia, les […] le jeudi 20 aout 2014. Cette première rencontre sera suivie d’un temps d’échanges avec l’équipe pour élaborer un calendrier et un accompagnement personnalisé entre Célia et Mr Henisterg. […]

Sanglots de soulagement. Il le relit plusieurs fois.

Ö mon amour, nous reverrons notre fille.

 

[A suivre…]

Le langage de Sophie

Dans l’accompagnement des jeunes, elle s’évertue à employer un certain langage. Un langage qui lui a beaucoup demandé d’effort sur elle-même. C’est surtout pour mieux appréhender le monde avec un autre regard, un regard plus juste et plus près de la vérité.

La négation a disparu des pensées de Sophie. Les limites, pour elle, sont des cadres et ce qui est interdit sont juste des balises qui demandent de l’attention, de la réflexion.

Ensuite, elle essaie de tout positiver. Les échecs sont des tremplins.

Les non deviennent des stop. Elle essaie d’établir des relations positives avec chaque personne et de proposer un cadre qui peut amener un comportement positif. Surtout elle s’emploie à relever 4 fois plus de qualités si elle a dû nommer un élément négatif. Elle valorise toujours le jeune devant ses pairs et ses collègues. C’est une manière de construire un projet qui ait du sens et porteur d’espoir, d’avenir.

Elle fait le maximum pour être objectif et de ne pas porter de jugements. C’est un vrai challenge qu’elle prend. Elle tente aussi de prendre soin d’elle-même pour être plus disponible aux autres, pour minimiser les luttes de pouvoirs et d’établir des liens positifs envers ses jeunes et ses collègues.

Evidemment Sophie ne vit pas dans un monde parfait et elle est souvent en confrontation avec des collègues impulsifs, qui se moquent d’elle, qui ont une toute autre vision de l’éducation.

 

Et vous ? Qu’en pensez ? Avez-vous essayé d’avoir une attitude bienveillante, sans hypocrisie bien sur. Ce n’est pas de la bienveillance de guimauve. L’attitude peut être aussi ferme pour un cadre qui a été dépassé. Vous avez des expériences à nous partager ?

 

Même un seul de tes pas

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Même un seul regard, un seul de tes mots

Reconnaissant son être et ses maux,

Sa mémoire ne l’oubliera pas de sitôt.

Il continuera à espérer sans être pataud.

Même une seule caresse sur son visage figé,

Il continuera à sentir, à aimer, à piger

Ta présence à ses côtés, immobile.

Son sens de la vie aura toujours un mobile.

Même si tu l’as à peine parlé, à peine croisé,

S’il a été touché, il se souviendra de toi.

Le temps n’a pas de prise sur nos joies prisées

Gardées au fond de nos mémoires qui se déploient.

Même si l’âge nous cueille dans la faiblesse,

Notre corps restera marqué de nos victoires

De nos quotidiens, de nos belles histoires,

Même si des trous viennent et nous blessent.

Continue à semer avec ce que tu es, avec ce que tu fais.

Des mercis inattendus viendront dans un certain temps.

Plus nous nous laissons surprendre, plus c’est un bienfait

Qui nous aidera à croire, à avancer dans l’instant.

N’aie donc pas peur de faire le premier pas

Même s’il est tout petit, presque insignifiant.

En mettant toute ton énergie, il deviendra vivifiant

Et jaillira plus loin que tes rêves sans trépas.