Souvenirs du Sénégal : Déclamation d’un poème par 8 collégiens

En faisant le tri dans mes affaires, je suis retombé sur un papier annoté. C’était un poème que j’avais fait déclamer , il y a 9 ans,  par huit collégiens dont quatre filles et quatre gars! C’était au Sénégal, à Vélingara au Collège Jean-Paul II où je gérais une petite bibliothèque. Cela reste encore un fort souvenir.

Un mercredi au collège 111_01
Le poète

Toi que les dieux ont élu
Pour que ruissellent de chants nos sources
et vibrent de sève nos forêts
pour qu’arides ou herbeuses
nos montagnes soient montagnes
pour que terre soit la terre
Ferveur nos souffles
Fidélité nos coeurs
Hommes nos hommes

Du plus profond de ton âme
du plus tumultueux de ton sang
du plus clair de tes rêves
du plus orageux de tes désirs
du plus intenses de tes incantations
ah, jaillir la puissance de ta foi
le cri de leur délivrance
tu parleras
Tu parleras la langue de ta pureté
pour ceux dont la voix est emmuré
et la vie suspendue

Tu parleras la langue de ton innocence
pour ceux que l’on écrase de calomnie
jusqu’à ce que leur peau en exsude
tu parleras la langue de ta justice
pour ceux dont on aveugle la vue
au fer des barreaux

Tu parleras de ton amour
pour ceux que l’on bat
pour ceux que l’on étouffe
pour ceux que l’on torture
pour les traqués
tu parleras
pour les condamnés
tu parleras
pour les déportés
tu parleras
pour les non jugés
tu parleras
pour les détenus
tu parleras
pour les interdits
tu parleras
pour les sans-défense
tu parleras
pour les sans défense
tu parleras

Pour ces milliers d’êtres morts parmi les morts
que l’on destine à la rage et à la haine
dans les ténèbres des prisons
tu parleras

Car tu hais la violence
tu hais la calomnie
tu hais le mensonge
tu hais la haine
tu parleras

à eux aussi tu parleras

Tu parleras jusqu’aux confins des mers et des nuits
afin que vienne le jour
et qu’à nouveau pour eux
ruissellent de chants nos sources
et vibrent de sève nos forêts
pour qu’arides ou herbeuses
nos montagnes soient montagnes
pour que terre soit la terre
Ferveur nos souffles
Fidélité nos coeurs
Hommes nos hommes
ton être est parole qui réconcilie avec la vie
parle….

de Thomas Rahandraha

(Anthologie de la poésie négro-africaine, Anne-Marie Gey, éditions Edicef -SEA, 2001 )

Super prof

Mme Bermèche arriva dans une classe calme.

Ses élèves avaient déjà préparé leurs affaires d’histoire-géographie.

Ils se sont levés pour saluer l’arrivée de mme Bermèche.

Ce dernier les remercia avec un sourire et les invita à s’asseoir.

Elle demanda à Esther de faire un récapitulatif du dernier cours.

L’élève commença à exposer de manière magistrale.

Mme Bermèche fut épaté car Esther avait déclamé le « J’accuse » de Zola.

Applaudissements.

Chacun avait le défi de résumer le cours d’avant de manière originale ou un point de la leçon qu’il avait marqué.  Chacun pouvait utiliser ses dons au service de l’apprentissage de ses leçons.

La prof remercia Esther et repris le chemin de son cours sur la première guerre mondiale. Elle utilisa une télécommande qui actionna un vidéo projecteur. Elle avait préparé un diaporama dynamique avec des photos, des mini-vidéos, des scans de lettres de poilus (Les soldats, n’est-ce pas ? Vous avez pensé à autre chose ?).

Elle avait même conçu une carte dynamique montrant l’évolution des fronts.

Les élèves avaient juste à ‘écouter et à lever la main en cas d’incompréhensions ou de questions.

Puis d’un seul coup, un élève, Nicolas  s’écria : « Carton jaune ». Rires.

En effet, Nicolas avait remarqué que la prof avait glissé une image de la révolution française.

Mme Bermèche esquissa un sourire. Elle traça un trait sur un petit tableau.

Tableau de scores. Effectivement, un match d’idées incongrues s’était mis en place et quand le score atteignait dix cartons jaunes. La prof ou la classe avait un gage.  Le gage était de réaliser une caricature sur l’actualité. Mme Bermèche s’arrangeait toujours pour se représenter en souris  ce qui faisait la joie des élèves.

C’était toujours un moment de plaisir. Cela n’allait jamais à la moquerie ni aux brimades.

Tous les cours de Mme Bermèche se faisaient dans le calme et la bonne humeur. Elle avait réussi à instaurer de la confiance, un climat serein empreint de solidarité. Il pouvait y avoir bien sûr de la compétitivité mais c’était par jeu.

Mme Bermèche était vraiment attentif à chacun et avait toujours une parole valorisante. Jamais de négations.

Quand la sonnerie sonnait, les élèves restaient en place malgré tout. Selon un rite bien défini et un fonctionnement réfléchi en classe, des élèves désignés prenaient les polycopiés de la prof et les distribuaient.

 

PS : Je me suis inspiré en partie d’une histoire vraie, celle de mon prof d’Histoire-géographie que j’ai eu au lycée, mr Bermès. Lui, il se dessinait en rat et donnait des surnoms aux autres profs et même au conseiller pédagogique :  « Mr Ramon » à cause de sa grosse moustache noire.