Mon histoire de burn-out

Je voudrais vous raconter un burn-out quand j’étais éducateur spécialisé ( Début 2011). Le burn-out vient à la suite d’épuisements, de combats intérieurs, d’une pesanteur institutionnelle.

Je prends le risque de vous raconter cet épisode, prenant le risque de ne pas être compris par certains d’entre vous. C’est souvent un tabou. On préfère éviter le sujet.

Je travaillais depuis deux mois et demi dans une petite structure qui accueillait des enfants ayant des déficients moyens à profonds, dont 4 jeunes avec des lourdes caractéristiques autistiques.

Le quotidien était jalonné de cris, de coups, de griffes et de morsures de la part de certains de ces jeunes. J’avais comme collègues deux « éducatrices » dont une non diplomée qui n’avait travaillé qu’avec des ados « cas sociaux ».  Le langage était direct chez elles : «  Arrête de faire l’imbécile », « Continue comme ça et tu vas dans le couloir », «  exprime-toi ».  Elles ne voulaient pas se mettre aux PECS, images pouvant permettre à ces jeunes d’utiliser un mode d’expression.

Sans elles, j’étais bien avec ces jeunes avec des petites victoires où le jeune se sentait compris, apaisé avec une autre de mes collègues qui était une jeune instit. Nous tenions le coup. Elle dans sa classe et moi, comme je peux, lors de mes ateliers éducatifs avec trois jeunes ou bien cinq jeunes le mercredi matin ( Pendant deux mois, ce fut l’enfer pendant deux heures).

Il y avait bien un groupe d’analyse de la pratique mais hélas, les «  mammouths » comme on les surnommait ma collègue instit et moi, parlions des soucis des enfants.  J’essayais de soumettre des problématiques mais souvent on me rétorquait : «  Attends, tu viens d’arriver et tu nous critiques déjà ? ». Le directeur m’avait un peu embauché pour ça pour mettre du sang neuf. Il fallait que j’y ailles doucement.

Tout au long des semaines, la fatigue s’accumulait et j’allais souvent au charbon pour contenir la violence des jeunes . J’étais le seul gars qui avait de la force.

J’y arrive à la fameuse goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

Personnellement, j’étais épuisé malgré une semaine de vacances avec la peur au ventre malgré l’envie. Puis j’avais appris le décès de ma grand-mère.

Le mercredi en début d’après-midi, avec un mal à la nuque en plus, je dus accompagner Matéo, 14 ans vers la voiture où nous attendait une autre de mes collègues, avec un petit groupe. Nous devions aller à la piscine. Matéo était grand quand il se levait et avait beaucoup du mal à marcher. Il criait beaucoup et faisait des grands gestes compulsivement. Il ne voulait pas se lever. J’essayais de le résonner sentant que ma collègue attendait. Elle avait surtout avec elle un autre enfant qu’elle ne pouvait pas lâcher. Il pouvait fuguer, frapper les autres enfants. Une situation un peu compliqué.

A bout avec Matéo, j’essayais de le relever pour le forcer à marcher. Je reçus une volée de baffes ( Involontaires bien entendus). Malheureusement, un de ses bras frôla ma bouche et je mordis. Stupéfaction. Il s’était calmé et moi,  déconnecté. Je sentis mon avenir chaviré, mon acte fou répréhensible. Je pus malgré tout l’amener à la voiture et rejoindre le groupe. Je fis la confidence à ma collègue, surprise bien entendu mais elle ne me jugea pas.

Après la ballade de l’après-midi, au retour au centre, j’allais tout de suite voir le directeur .

Il fut horrifié. Il téléphona à son directeur principal.

Mise à pied conservatoire.

J’étais au plus bas.

«  Vous auriez du me téléphoner quand vous ne pouviez plus ».

Je n’ai pas pu répondre sur l’instant.

«  Pourquoi lui ?

Matéo était le fils d’un personnage haut-placé !

Résultat : Licenciement pour faute grave. ( Sinon on portait plainte contre moi).

Ce fut le coup d’arrêt à ma carrière, pour l’instant, d’éducateur spécialisé.

Même si le directeur m’a dit : «  Malgré cet acte fortement répréhensible, vous avez néanmoins des qualités professionnels ».

Personne est infaillible. Ni les éducateurs, ni les parents, ni les hommes de ce monde. Je n’ai commis qu’un seul acte de violence ( la plus incompréhensible, certes) et j’ai subi la plus sourde sanction. Et mes autres collègues âgées  qui ont sans arrêt tenus des propos violents, eu des gestes de rejets pour éviter de se faire frapper qui était à la limite de la maltraitance. Rien.

Je ne souhaite à personne de vivre cette expérience. Vraiment de veiller que ses collègues se sentent en sécurité professionnelle, qu’ils aient un lieu ou ils peuvent analyser leurs pratiques, se lâcher, communiquer. Le soutien institutionnel est primordiale. Comment le public que nous accueillons peut vivre dans un cadre sécurisant si nous-même nous sommes pas sécurisés dans notre pratique.

Le boulot dans le social, c’est une vocation, un métier où il faut être souder car seul, on ne peut que s’enfoncer.

 

T’entendre ( vers le Burn-out?)

Je vois que tu es épuisé.

Tu t’énerves pour des broutilles.

Tu oublies l’humain

En posant tes actes de soins.

Tu t’embrouilles dans tes pensées.

Tu es à la limite du burn-out.

Et pourtant tu adores ton métier.

Tu enchaines tes heures de garde.

Tu serres les dents.

Tu figes ton visage.

Jusqu’à quand tiendras-tu?

Je t’interpelle naïvement

Je fais un peu l’idiot.

Je dis que je vois ta fatigue.

Un miroir se brise.

Et les blagues fusent.

Des mots sont expulsés de ton coeur.

Un sourire irradie ton visage.

Ton regard commence à briller.

Tu te sens soulagé, écouté.

Je comprends et j’entends ton épuisement.

Je te soutiens. Nous sommes du même bord.

Nous travaillons avec l’humain.

Ensemble, même si on ne se reverra pas,

Nous pouvons avancer, soutenu

Dans notre combat de tous les jours

En n’essayant de ne pas s’oublier.

Je sais que ce n’est pas facile.

J’ai connu ces heures où l’on enchaine

Sans pouvoir souffler, ni respirer.

J’ai connu ces moments où l’on croise

Des personnes qui nous redonne courage.

Alors ne baisse pas les bras

Sachant que tu n’es pas seul,

Qu’il y aura toujours quelqu’un

Quelque part pour t’écouter,

Te comprendre et te soulager.

Rie encore un bon coup

Et alors, tu peux continuer à vivre ton boulot

Sans perdre ta tête, ton âme et ton cœur.

Courage à toi, médecin de passage.

Courage à toi collègue du social.

Courage à toi qui travailles pour l’homme.

Et même à ceux qui travaillent dans d’autres domaines.