Dialogue infernal

Max : Alors, est-ce que vous avez pu ranger votre chambre ?
Gérard : Quel chambre ?
Max : Là où vous dormez !
Gérard : Je dors par terre
Max: Plus maintenant. Vous êtes sur un lit maintenant. C’est fini le paillason !
Gérard : Je ne suis pas un polisson.
Max : Paillason ! Quand vous étiez sur la paille. Dans la rue.
Gérard : Je suis à la rue, je sais !
Max: Je ne vous ai pas dit que vous étiez à l’ouest.
Gérard : C’est tout comme. Je ne perds pas le nord.
Max : Je le sais très bien. Vous avez les idées bien en place. Vous n’avez besoin de personne.
Gérard ; Tu me chambres ?
Max; Presque. Je parlais de votre chambre.
Gérard: Ah oui, j’ai caché mes bouteilles et mes cigarettes. Tu peux venir.
Max : La bonne blague ! Je vous fais confiance.
Gérard : Ah bon. Sérieusement. Et si c’était vrai !
Max : Cela serait bien dommage. Je viendrai vérifier demain matin. Comme ça, vous aurez toute cette nuit pour tout bazarder et être conforme aux règles du foyer.
Gérard : Y a des règles maintenant.
Max : C’est fort possible. Nul n’est censé ignorer la loi.
Gérard : Si je vous disais que je ne sais pas lire.
Max : Mais vous n’êtes pas sourd.
Gérard : Et un peu malvoyant.
Max : C’est nouveau ça!
Gérard : Je suis amoureux de Ginette.
Max : Je ne vois pas le rapport.
Gérard : l’amour rend aveugle, non ?
Max : Sans doute mais pas idiot. Gérard, tu commences à m’emmerder.
Gérard : Hep, vous me tutoyez. Vous me manquez respect.
Max : Et vous me respectez en me tutoyant ?
Gérard : Bien sûr, je suis plus vieux que vous. J’ai le droit de vous tutoyer.
Max : Bon, on ne va pas s’éterniser hein. Je venais juste aux nouvelles et vous dire que vos voisins de chambre se plaignaient des odeurs bizarres.
Gérard : Ah bon, j’ai mis du parfum pourtant.
Max : Il date de quand ?
Gérard: Hé dis donc, je ne suis pas si vieux que ça !
Max : Limite. On sentira l’odeur du formol bientôt.
Gérard : Vous vous emportez chef !
Max : Légèrement ! Je note un progrès certain dans votre langage. Je vous laisse donc jusqu’à demain matin à 8h17, pour tout nettoyer, faire le tri.
Gérard : Mais pourquoi tout cet empressement ?
Max : Les élus viennent. Si ont veut avoir encore les subventions, il faudrait que ça soit un minimum rangé dans ce foyer.
Gérard: Aaah je comprends mieux. J’y vais de ce pas !



Démission d’une mère?

Penchée à la fenêtre, elle voit ses fils errer dans la rue.

Derrière elle,  son dernier de 3 ans regarder la télévision, presque endormi.

Il est 21 heures. Son mari traine encore dans un bar du coin.

Mécaniquement, elle s’en va à la cuisine pour ranger, faire la vaisselle.

Elle n’oublie pas de mettre une assiette pleine pour son mari nocturne.

Surtout ne pas oublier. Elle respire pour oublier ses bleus au dos.

Dehors, on ne remarque rien sur ce qu’elle vit. Elle est voilée.

C’est sa protection envers sa vie intime.

Une barrière contre les regards insistants des barbus.

Elle aperçoit sur la table des liasses de factures impayées.

Son mari est au chômage. Les gens ne veulent pas d’un bronzé.

Puis il a un visage qui fait peur, avec une grande barbe.

Parfois elle emmène un de ses fils chez l’orthophoniste.

A quoi bon puisqu’il est en échec scolaire ? Un bon à rien.

Personne ne l’écoute. A part ses copines à propos du pays.

Elle ne sort pas souvent pour éviter les humiliations.

Honte de ne pas se faire comprendre. Honte de ne pas comprendre.

Des enfants ? Elle en a six dont les deux ainés tournent mal.

Elle essaie de les raisonner mais son mari les encourage

Pour se venger contre la société qui ne veut pas de lui.

Et si son mari la surprend en train de raisonner les enfants.

Elle reçoit des marrons, bien chauds et soyeux. Pas de traces.

Pas assez mal pour aller à l’hôpital. Elle voudrait bien

Mais sa religion l’interdit. Elle se sent prisonnière.

Comment être regardé autrement ? Comment s’exprimer

Sans se faire passer par une menteuse ? Elle doit mentir hélas

Pour ne pas se faire exclure de la famille et être à la rue.

Engrenage. Perdue. Elle entend qu’elle serait une mère qui démissionne.

Une démission forcée oui ! Quand l’entourage ne donne pas les outils appropriés,

Comment agir en toute conscience et liberté ? Un  va et vient de pensées «  interdites ».

 

Comment construire des ponts entre les différentes cultures, les différentes modes de vie ?

Comment donner la possibilité aux parents, aux mères, aux pères d’être reconnu par ce qu’ils sont.

Je souhaite un bon courage à tous les travailleurs sociaux qui accompagnent ces personnes-là se trouvant dans des situations très complexes. 

Je ne doute pas que mon histoire peut faire rebondir mais elle peut être hélas vraie. Je me suis inspiré d’un livre : «  J’ai enlevé le voile, au péril de ma vie », et à partir de témoignages d’orthophonistes qui travaillent auprès des personnes en précarité sociale.